L'automne dernier, j'avais ouvert, à la suite d'un alphabet en poésie égrené tout l'été, cet alphabet et poésie des nombres que j'ai laissé en carafe à Trois.
C'est Lénaïg, avec son très joli Un, deux, trois ... qui m'a fait retrouver la mémoire, ayant elle-même voulu faire trois p'tits sauts à partir d'un "magnifique et sombre poème de Stellamaris", comme elle le dit elle-même.
Vous retrouverez les premiers en allant (sur la droite du blog) à la catégorie "Alphabet en poésie des nombres", j'avais commencé par le Zéro.
Pour le rythme de mes parutions dans cette rubrique, c'est ici :
Oyez, oyez CROQUEURS DE MOTS et les autres
Aujourd'hui, revisitons le cinq avec Aloysius BERTRAND et son poème, Les cinq doigts de la main
Les cinq doigts de la main
Le pouce est ce gras cabaretier flamand, d'humeur goguenarde et grivoise, qui fume sur sa porte, à l'enseigne de la double bière de mars.
L'index est sa femme, virago sèche comme une merluche, qui, dès le matin, soufflette sa servante dont elle est jalouse, et caresse la bouteille dont elle est amoureuse.
Le doigt du milieu est leur fils, compagnon dégrossi à la hache, qui serait soldat s'il n'était brasseur, et qui serait cheval s'il n'était homme.
Le doigt de l'anneau est leur fille, leste et agaçante Zerbine, qui vend des dentelles aux dames et ne vend pas ses sourires aux cavaliers.
Et le doigt de l'oreille est le Benjamin de la famille, marmot pleureur, qui toujours se brimbale à la ceinture de sa mère comme un petit enfant pendu au croc d'une ogresse.
Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles qui ait jamais brodé les parterres de la noble cité de Harlem.
Aloysius BERTRAND, Gaspard de la nuit, livre I, VI
Aloysius BERTRAND, 1807 - 1841, poète, dramaturge et journaliste français, considéré comme l'inventeur du poème en prose
cinq (5) coquelicots (et quelques fleurs de camomille)
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