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1 août 2013 4 01 /08 /août /2013 05:00

 

S pour les nombres débute (en français) le six ou le sept et même le septante de nos amis Belges ou Suisses.

Aujourd'hui honneur au 7, sept, VII 

Evadons-nous au plus loin de la planète pour évoquer aussi le 七 chinois (qī) ou japonais 

 

Ma quête de poèmes centrés sur un chiffre ou un nombre n'est pas sans difficulté sur Internet. Entre les vers de sept pieds, les sept poètes de la Pléïade au XVIe siècle et les comptines d'école, lesquelles ont bien sûr leur mérite qui est grand3, Paul Eluard et ses sept poèmes d'amour en guerre (1943), je n'avais trouvé parmi les poètes célèbres que, excusez du peu, un poème de jeunesse de Rimbaud4

 

Sept ans, pour les adultes chargés d'éducation, c'est l'âge de raison. Rimbaud l'enfant précoce (c'est sans doute ce que l'on dirait maintenant après l'avoir dit surdoué), célèbre ici Les poètes de sept ans.

 

Les poètes de sept ans1

 

A M. P. Demeny.

 

Et la Mère, fermant le livre du devoir,

S'en allait satisfaite et très fière, sans voir,

Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,

L'âme de son enfant livrée aux répugnances.

 

Tout le jour il suait d'obéissance ; très

Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits

Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.

Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,

En passant il tirait la langue, les deux poings

A l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.

Une porte s'ouvrait sur le soir : à la lampe

On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,

Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été

Surtout, vaincu, stupide, il était entêté

A se renfermer dans la fraîcheur des latrines :

Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.

Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet

Derrière la maison, en hiver, s'illunait,

Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne

Et pour des visions écrasant son oeil darne,

Il écoutait grouiller les galeux espaliers.

Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers

Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,

Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue

Sous des habits puant la foire et tout vieillots,

Conversaient avec la douceur des idiots !

Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,

Sa mère s'effrayait ; les tendresses, profondes,

De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.

C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment !

 

A sept ans, il faisait des romans, sur la vie

Du grand désert, où luit la Liberté ravie,

Forêts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait

De journaux illustrés où, rouge, il regardait

Des Espagnoles rire et des Italiennes.

Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,

- Huit ans - la fille des ouvriers d'à côté,

La petite brutale, et qu'elle avait sauté,

Dans un coin, sur son dos en secouant ses tresses,

Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,

Car elle ne portait jamais de pantalons ;

- Et, par elle meurtri des poings et des talons,

Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.

 

Il craignait les blafards dimanches de décembre,

Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,

Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ;

Des rêves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcôve.

Il n'aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu'au soir fauve,

Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg

Où les crieurs, en trois roulements de tambour,

Font autour des édits rire et gronder les foules.

- Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles

Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,

Font leur remuement calme et prennent leur essor !

 

Et comme il savourait surtout les sombres choses,

Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,

Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,

Il lisait son roman sans cesse médité,

Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,

De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,

Vertige, écroulements, déroutes et pitié !

- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,

En bas, - seul, et couché sur des pièces de toile

Écrue, et pressentant violemment la voile !

Arthur Rimbaud2, Poésies, 26 mai 1871.

2. Arthur Rimbaud, 1854 - 1891
3. Sept couleurs magiques (ce sont les couleurs de l'arc en ciel)
4. Avant de mettre en ligne une semaine plus tard (mardi 30/07 au matin), je découvre avec plaisir comme nouvelle occurence, un poème de Charles Baudelaire, Les sept vieillards, qu'il dédie à Victor Hugo. J'en espère une mise en ligne sur l'un ou l'autre de vos blogs, même si les interprétations en sont bien complexes et contradictoires.
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sept-coquelicots---reduc1.jpg
sept (7) coquelicots
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commentaires

E
toujours passionnant et très riche, merci Jeanne
Répondre
J
<br /> <br /> Mais je rame à trouver des poèmes évoquant ou même célébrant des chiffres et des nombres.<br /> <br /> <br /> <br />
R
Bonjour Jeanne<br /> sept ans l'age de raison, merci de nous permettre de lire Arthur Rimbaud<br /> Bon dimanche
Répondre
J
<br /> <br /> il avait déjà un souvenir rude de ses sept ans ...<br /> <br /> <br /> belle semaine<br /> <br /> <br /> <br />
Q
Comment n'ai-je jamais lu ce poème ? Je l'ignore, mais en tout cas, c'est une belle découverte pour moi. Merci, Jeanne.<br /> <br /> Passe une douce soirée.
Répondre
J
<br /> <br /> je viens de le découvrir aussi. Trop long sans doute pour être étudié en classe. Et peut-être trop explicitement rebelle ...<br /> <br /> <br /> belle fin de journée<br /> <br /> <br /> <br />
P
Bonne journée avec bises
Répondre
J
<br /> <br /> merci averc retard. Belle fin de journée à vous aussi.<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> <br />
F
7 un chiffre clé dans la bible aussi
Répondre
J
<br /> <br /> le 7 est un chiffre symbolique dans bien des domaines ...<br /> <br /> <br /> <br />
J
Ah je découvre ce poème... Merci Jeanne, bon jeudi à toi, bises
Répondre
J
<br /> <br /> je l'ai découvert moi aussi pour la circonstance ... Rimbaud avait 16 ans quand il a fait connaitre ce poème. Quel talent et quel monde intérieur. On comprend que la vie ordinaire lui ait semblé<br /> trop étroite ...<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> <br />

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