Comment j'en suis venue à obéissance ? moi qui me définit comme rebelle ?
Offrande !
Une évidence après l'offrande à la nature pour la lettre précédente, n'est-ce pas ?
Un nom bien peu usité pourtant sauf en de rares occasions en particulier lithurgiques. Un sens nommé pour ses usages plus ordinaires don ou cadeau, encore que l'usage actuel du mot "don" va sans doute le faire dévier de son sens et que l'usage actuel des cadeaux à tout va, et ses recyclages au lendemain de noël, va sans doute en dénaturer également le sens du mot.
Pour autant, nous gardons le verbe offrir plus volontiers que donner : offrir des fleurs fait plus chic que donner des fleurs
et un magnifique poème à vous offrir en lecture, si j'en demande l'autorisation à Esther granek, dont les textes décidément m'enchantent.
Mais la vieille dame distinguée m'a, avec le titre de son recueil, conduit sur la piste des ombres, et avec elle, sur la piste des morts violentés par toutes les haines et toutes les guerres. Celles qui disent ou ne disent pas leur nom.
Alors me vient en tête le nom "offense" et avec lui celui, sans fin de vengeance.
"Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie,
n'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?"
Corneille, Le Cid
De Ô en Oh, le mot d'obéissance me tirait par le bout de l'oreille ...
mais vous le devinez, pas n'importe comment, pas à n'importe quel prix, Ô Ballade de celui qui chanta ..., ça c'est aussi un clin d'oeil au jeudi en poésie sonore.
Le poème de Victor Hugo que j'ai finalement décidé de mettre en ligne a été écrit et publié au moment ou Louis Napoléon Bonaparte, candidat du parti de l'ordre, élu président de la 2ème république au suffrage universel en décembre 1848. (faut pas rêver, les femmes n'étaient pas incluses dans cet "univers français"), ayant préparé le retour à "l'ordre monarchique" par le coup d'Etat de décembre 1851, s'est auto-proclamé Empereur.
Victor Hugo, qui ici n'utilise pas encore de métaphore, a payé la liberté de sa plume d'une fuite en Belgique puis à Guernesey, et d'un bannissement. Il ne pourra rentrer en France qu'après la chute du Second Empire en 1870 après la défaite de Sedan contre la Prusse.
VII - A l’obéissance passive
Ô Dieu, puisque voilà ce qu'a fait cette armée,
Puisque, comme une porte est barrée et fermée,
Elle est sourde à l'honneur,
Puisque tous ces soldats rampent sans espérance,
Et puisque dans le sang ils ont éteint la France,
Votre flambeau, Seigneur !
Puisque la conscience en deuil est sans refuge
Puisque le prêtre assis dans la chaire, et le juge
D'hermine revêtu,
Adorent le succès, seul vrai, seul légitime,
Et disent qu'il vaut mieux réussir par le crime,
Que choir par la vertu ;
Puisque les âmes sont pareilles à des filles ;
Puisque ceux-là sont morts qui brisaient les bastilles,
Ou bien sont dégradés ;
Puisque l'abjection, aux conseils misérables,
Sortant de tous les cœurs, fait les bouches semblables
Aux égouts débordés ;
Puisque l'honneur décroît pendant que César monte ;
Puisque dans ce Paris on n'entend plus, ô honte,
Que des femmes gémir ;
Puisqu'on n'a plus de cœur devant les grandes tâches,
Puisque les vieux faubourgs, tremblant comme des lâches
Font semblant de dormir,
Ô Dieu vivant, mon Dieu ! prêtez-moi votre force,
Et, moi qui ne suis rien, j'entrerai chez ce corse
Et chez cet inhumain ;
Secouant mon vers sombre et plein de votre flamme,
J'entrerai là, Seigneur, la justice dans l'âme
Et le fouet à la main,
Et, retroussant ma manche ainsi qu'un belluaire,
Seul, terrible, des morts agitant le suaire
Dans ma sainte fureur,
Pareil aux noirs vengeurs devant qui l'on se sauve,
J'écraserai du pied l'antre et la bête fauve,
L'empire et l'empereur !
Victor Hugo
Les Châtiments - Livre deuxième – L'ordre est rétabli, 1853
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