15 ans de réclusion criminelle assorti de 7 ans de suivi socio-judiciaire et 3 ans de prison ferme en cas de manquement à ce suivi. C'est la décision prise par le Jury au bout de trois heures de délibéré.
15 ans, le prix d'une vie ...
Non pas le prix d'UNE vie, le prix de DEUX vies et plus encore : qu'est-il advenu de l'enfant qu'Anne-Sophie portait depuis au moins sept mois dans son ventre ? Comme l'a pu être daté les restes de placenta prélevés et analysés dès les premières heures de son admission à l'hôpital.
... Et plus encore ..., bien sûr je pense en premier lieu à ce petit garçon qui grandit sans sa mère, dont on sait maintenant qu'il a assisté à toutes les violences, visuellement pour certaines et entendant tout le reste. Ce petit garçon qui va grandir avec son père en prison, son père dont les coups multiples, intenses, répétés sur plusieurs années, ont conduit à la mort.
Mais je pense aussi aux soeurs et aux frères d'Anne-Sophie, un peu plus jeunes qu'elle, qui vont devoir vivre avec son absence, et le souvenir de tout ce qu'elle a pu souffrir sous les mauvais traitements. Car il s'agit de maltraitance bien plus large que des coups.
Je n'évoque même pas ses parents. On ne se remet jamais de la mort de son enfant. Ce n'est pas dans l'ordre des choses ! Alors de la mort de son enfant dans de telles circonstances ...
Quand tous les alertes, en particulier de sa mère et de sa soeur cadette, toutes les mains tendues à Anne-Sophie, y compris par une association d'aide et d'écoute, pour qu'elle sorte de cette spirale de la violence sont restées vaines, tant elle était persuadée qu'elle "faisait le bon choix en lui donnant une nouvelle chance", que ça allait aller mieux, qu'il pouvait changer, "qu'il allait changer" ...
7 juillet 2010, 21 octobre 2013 :
Trois ans, trois mois et demi. C'est le temps qui sépare le jour où Anne-sophie a été trouvée agonisante par les services de secours et la police (au bout d'au moins deux jours sans soins) et le premier jour du procès en Assises.
21 - 23 octobre 2013 : trois jours où la justice a, en Cour d'assises, regardé dans le rétroviseur, pour comprendre, pour juger, avec autant de pertinence que possible. Trois jours évidemment pénibles pour toute la famille de la victime, qui n'oublie pas, qui après l'effroi, essaye de vivre ... malgré tout ... en regardant devant.
Trois jours pour des années de souffrance. Pour des faits d'une infinie complexité dans leur abjection. Et dans leurs conséquences.
Trois jours pour rendre un verdict.
Le prix de DEUX vies et plus encore. J'aurais pu écrire TROIS au lieu de DEUX. Car ce jeune homme qui a causé la mort d'Anne-Sophie, il a détruit aussi sa vie à lui, mais au moins, lui, il lui reste un futur pour la reconstruire.
Ce qui ne sera pas donné à Anne-Sophie. Dans la vraie vie, ce n'est pas comme dans les jeux vidéos, on ne peut pas s'acheter de nouvelles vies ...
Quant à sa famille à lui, je n'en parle pas car c'est la grande absente. Non pas absente des débats, je parle de leur absence physique au procès. Même si son père et sa soeur aînée, convoqués pour déposer à la barre, sont restés sur demande de la Cour une partie d'une des demi-journées d'audience après leur déposition.
Ils ont découvert alors une petite partie de l'horreur à laquelle ils ont toujours refusé de faire face. C'est compréhensible. C'est pourtant nécessaire et ils n'en feront l'économie qu'au risque de conséquences souterraines imprévisibles.
Je n'excuse pas leur cécité. Mais je les plains.
Voici une collecte de liens de la presse régionale, sachant que ces présentations ne sont qu'un pâle reflet de ce qui a pu être dit devant la Cour de ces années barbares et que ce qui a pu être dit dans cette salle n'est qu'un reflet très incomplet de ce qui s'est réellement passé, avec des silences assourdissants.
http://centre.france3.fr/2013/10/21/orleans-la-violence-conjugale-jugee-aux-assises-342887.html
http://centre.france3.fr/2013/10/22/proces-de-la-violence-conjugale-2e-jour-d-audience-343683.html
http://centre.france3.fr/2013/10/24/proces-de-la-violence-conjugale-15-ans-de-reclusion-344703.html
Je publie ce billet pour CROQUEURS de MOTS, car c'est pour le défi n°34 (Dis-lui) que j'avais pu mettre quelques mots sur le drame dont l'épilogue était en train de se jouer sur un lit d'hôpital et pour le défi n°36 (ça n'a pas de sens) où j'ai bien malgré moi, projeté sur l'écran des mots la dernière scène de ce théâtre de l'absurde.
Des mots qui, à l'issue de ce qui a été décrit pendant ces trois jours d'audience, paraissent un reflet vrai, mais tellement pâle et loin, loin, en-deça de toute l'horreur de cette réalité dévoilée, qui n'est elle-même qu'une représentation minorée de ce qui s'est réellement passé, dans la durée, dans l'intensité, dans la répétition.
L'accusé et le ministère public ont 10 jours pour faire appel de ce jugement . Les parties civiles peuvent faire appel en ce qui concerne les dommages et intérêts. (Informations : Justice / Cour d'Assises)