""Le pardon sans l’oubli, la vérité sans la vengeance." Voilà, outre la constance dans le combat et le courage, la principale leçon de Mandela.
Voilà ce qui réunissait autour de sa mémoire tant d’hommes et de femmes venus de tous les horizons. Jusqu’à quelques chefs d’État ou de gouvernement, présents ce jour-là, qui se conduisent habituellement comme des forbans. Mais leur présence était un hommage du vice à la vertu, ce qui vaut toujours mieux que l’inverse."
C'est ce qu'écrivait Bruno Frappat dans les lignes du journal La Croix le 13 décembre 2013 aux heures où l'on fêtait devant le monde entier Nelson Mandela
Et il ajoutait :
"Ni vérité ni réconciliation, chez nous. Pendant des décennies, on fit comme si Vichy n’avait pas existé. Insidieux poison que celui du déni : il empêche les hommes de se regarder en face. Mais il encourage le goût de la vengeance et du ressentiment. Mandela avait peut-être, dans sa prison, médité sur le cas français : cette manière de passer sur le passé une éponge rougie par le sang."
en évoquant les lendemains de la deuxième guerre mondiale et ses suites jusqu'à aujourd'hui.
Il pourrait en être dit ainsi de bien d'autres conflits passés et présents.
Sans oublier évidemment nos vécus privés et leur lot de vilénies et d'infamies.
Je suis comme beaucoup en admiration devant ce que la puissance de la volonté et du désir a réussi à obtenir et à éviter pour passer de l'apartheid à la réconciliation en Afrique du Sud ; sans être dupe de toutes les imperfections et les misères et violences résiduelles, des non-dits restants des reculs devant l'ogre de la marche du temps mondial.
Un bain de sang a été évité, une transition a été possible.
Je reste cependant réservée sur les limites de l'exercice qui me semble non renouvelable.
Ma pensée achoppe en particulier sur la notion de pardon. Cette idée généreuse d'empreinte "bien pensante", je bute dessus. Je la trouve, dans bien des cas d'escalades de la violence, inopérante. Même quand les torts sont partagés. Ce qui n'est pas forcément le cas.
Il y a des pardons impossibles. N'est-il pas alors possible de faire la vérité, sans l'oubli et sans la vengeance ?
Il est des pardons impossibles. C'était une belle invention pour la paix. Il faut inventer d'autres chemins en ces temps de moindre crédulité et de plus de consciences réclamant leur liberté de pensée, mais aussi en ces temps où l'art de la communication et de la manipulation des foules n'a jamais été aussi puissant, pour dépasser ces traumatismes, ces événements irréparables, ineffaçables et construire des avenirs apaisés, en se défiant de toutes les hypocrisies et de toutes les rancoeurs, blessures qu'il faut cicatriser sans en ouvrir d'autres.
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