Puisque enriqueta, pour le défi n°139 des CROQUEURS DE MOTS, nous convie à mettre en ligne un poème ou une chanson qui évoque une forme de résistance, ce poème m'est bien sûr apparu le plus évident ;
Pour la dédicace implicite d'Aragon à Jean Moulin, pour ma propre référence à Raymond Aubrac, autre résistant et grand témoin ;
Pour le dessin enfin ...
Mise en ligne précédente 19/04/2012 08:00
Pour ce jeudi en poésie du défi n°79 des CROQUEURS DE MOTS, le mot à mettre en poésie était Dessin.
La petite écolière de mon souvenir avait déjà fait Le dessin avec les crayons de couleur le jeudi précédent.
Alors, en cette semaine où l'on avait rendu les honneurs militaires à l'un des derniers Grands Résistants de la guerre de 1939-45, Raymond Aubrac, j'avais envie de rendre un hommage posthume à l'un de ses compagnons de route dont la trajectoire a été interrompue comme tant d'autres quelques jours avant que Louis Aragon ne date ce poème.
Jean Moulin est mort le 8 juillet 1943. Le poème de Louis Aragon est signé du 14 juillet 1943.
Ballade de celui qui chanta dans les supplices
Et s’il était à refaire,
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains.
On dit que dans sa cellule
Deux hommes, cette nuit-là,
Lui murmuraient : « Capitule,
De cette vie es-tu las ?
«Tu peux vivre, tu peux vivre,
Tu peux vivre comme nous ;
Dis le mot qui te délivre,
Et tu peux vivre, à genoux. »
Et s’il était à refaire,
Je referais ce chemin.
Ta voix qui monte des fers
Parle pour les lendemains.
Rien qu’un mot, la porte cède,
S’ouvre, et tu sors. Rien qu’un mot,
Le bourreau se dépossède ;
Sésame, finis tes maux !
Rien qu’un mot, rien qu’un mensonge
Pour transformer ton destin :
Songe, songe, songe, songe
A la douceur des matins. »
Et si c’était à refaire,
Je referais ce chemin.
La voix qui monte des fers
Parle aux hommes de demain.
J’ai tout dit ce qu’on peut dire :
L’exemple du roi Henri ;
Un cheval pour mon empire ;
Une messe pour Paris.
Rien à faire ! Alors qu’il parte,
Sur lui retombe son sang !
C’était son unique carte,
Périsse cet innocent.
Et si c’était à refaire,
Referait-il ce chemin ?
La voix qui monte des fers
Dit : « Je le ferai demain. »
Je meurs et France demeure
Mon amour et mon refus.
Ô mes amis, si je meurs,
Vous saurez pourquoi ce fut !
Ils sont venus pour le prendre,
Ils parlent en allemand ;
L’un traduit : « Veux-tu te rendre ? »
Il répète calmement :
Et si c’était à refaire,
Je referais ce chemin.
Sous vos coups chargés de fers,
Que chantent les lendemains !
Il chantait, lui, sous les balles,
Des mots « sanglant est levé ».
D’une seconde rafale
Il a fallu l’achever ;
Une autre chanson française
A ses lèvres est montée,
Finissant la Marseillaise,
Pour toute l’humanité.
Louis Aragon, Paris, 14 juillet 1943
Deux justifications de le faire figurer sous le thème du dessin lors de ce précédent défi et sous le thème de la résistance pour ce nouveau défi.
La première, que certains de mes fidèles lecteurs connaissent déjà, (Pour que chantent d'autres lendemains...) qui était ma manie d'adolescente d'illustrer les poèmes que je retranscrivais soigneusement dans mon anthologie personnelle.
La deuxième, évidente quand on sait que Jean Moulin, avant même d'être le chef de la résistance dont on se souvient, fut, sous le nom d'artiste de Romanin, un dessinateur et caricaturiste de talent de l'entre deux guerres.
Si vos pas vous conduisent à Bourges, le musée de la résistance et de la déportation du Cher à bourges avait organisé une exposition de ses oeuvres du 18 avril au 15 juillet 2012
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