Ce jour-là commençaient cent jours de deuil au Ruanda quand j'ai écrit au brouillon les premières lignes de ce billet.
Cent jours de deuil pour se recueillir et commémorer cette abominable boucherie de cette fin de XXe siècle
Cent jours de deuil pour environ 800 000 victimes, pas seulement tuées, ce qui serait déjà trop, avilies, torturées, violées, massacrées, animalisées, non chosifiées. Hommes, femmes, enfants, par d'autres hommes, d'autres presque encore des enfants, leurs voisins, élèves d'institutrices, patients de médecins ou médecins de patients.
Cent jours d'horreur absolue, de folie collective.
Mais d'une folie collective savamment préparée et programmée. Savamment entretenue par les radios diaboliques.
Diable ? Ce serait, sinon une explication, du moins un alibi pour les tortionnaires, un bouc émissaire pour les survivants.
Comment vivre après cela ? Comment se cotoyer et reconstruire ?
Happée dans une autre folie destructrice, dans un printemps où je pensais encore pouvoir sauver ceux qui m'étaient si chers, j'ai découvert l'existence du génocide bien plus tard. Dans la voix blanche de Daniel Mermet en 1998, quand il revenait (déjà) sur un reportage qu'il avait fait juste après. quand ils avaient découvert Valentine.
Est-ce la nouvelle émission de Là-bas si j'y suis qui m'a fait abandonner l'idée de publier un billet le 7 avril dernier ?
J'avais ouvert la page à 9 heures du matin à peine ...
Aujourd'hui 10 juin, à 10h20, en complétant ce texte, j'écoute d'un oreille distraite la même radio évoquer un autre diable.
La semaine dernière, j'ai lu ce livre saisissant :
Englebert des collines, de Jean Hatzfeld, Gallimard, 2014
C'est le seul livre que j'ai lu sur ce terrible épisode de l'Histoire récente (il y a vingt ans). J'en lirai sans doute d'autres. Je ne vous en dirai rien de plus. Il faut le lire. C'est peut-être même une bonne entrée en matière.
Court, bien écrit, sans fioriture. Sans concession mais sans la prétention d'analyse. Juste poser ce qui a été. Ce qui est, ici eet maintenant.
L'impossibilité du pardon mais la nécessité de vivre non pas ensemble mais côte à côte.
Impossibilité du pardon ? Non pas impossibilité, c'est le coeur, l'os du concept de pardon qui est, en si peu de mots, bousculé, ébranlé, descendu de son piedestal de statue et statut de remède aux tragédies de l'Histoire.
Un petit livre qui n'a pas la prétention d'apporter des réponses, mais qui me conforte dans ma réflexion sur le sens du mot pardon. Une réflexion que j'ai abordée sur un autre propos moins tragique dans "Lettre d'adieu".
Une autre présentation de ce livre sur le blog de l'Ecole des lettres
En ce moment, d'autres tueries se perpétuent. Pas dans l'indifférence, je dirais plutôt avec un sentiment d'impuissance.
Ressortira-t-il quelque chose d'efficace, quelque chose qui permette d'espérer, de ce sommet sur les violences sexuelles pendant les conflits, qui s'ouvre à Londres aujourd'hui avec plus de cent pays représentés. Sous l'impulsion de l'actrice angelina Jolie et de chef de la diplomatie britannique William Hague, sous l'égide de l'ONU.
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