"Délurée", c'est la consigne de Julien, alias Commios, pour les jeudi en poésie du défi n°60 des CROQUEURS DE MOTS.
Cette fois, je ne vais pas oublier le E à la fin de l'adjectif. encore que jeudi dernier, les circonstances l'ont remis à cette petite fille que je chantais pour son anniversaire.
Dans ce poème de Jacques Prévert, j'ai le pressentiment que cette jeune fille en noir et blanc sur le cliché d'Izis*, Prévert lui accorde le joyeux éveil, la délure de la modernité, sans débauche.
Enfants de la haute ville
filles des bas quartiers
le dimanche vous promène dans la rue de la Paix
Le quartier est désert
les magasins fermés
Mais sous le ciel gris souris
la ville est un peu verte derrière les grilles des Tuileries
Et vous dansez sans le savoir
Vous dansez en marchant sur les trottoirs cirés
Et vous lancez la mode
sans même vous en douter
Un manteau de fou rire
sur vos robes imprimées
Et vos robes imprimées sur le velours potelé
de vos corps amoureux
Tout nouveaux tout dorés
Folles enfants de la haute ville
ravissantes filles des bas quartiers
modèles impossibles à copier
Cover girls
colored girls
De la Goutte d'Or ou de Belleville
De Grenelle ou de bagnolet.
Jacques Prévert,
Jacques Prévert et Izis, Grand bal du printemps, 1951,
Le cherche-midi 2008, page 134
* p135 en regard du poème.
Le livre est né d'un proposition d'Izis à Prévert et à d'autres auteurs de mettre des textes sur ses photos.
Prévert a refusé. Mais pour une autre proposition bien plus intéressante : faire un livre à deux, où mots et photos s'associent en une puissante alchimie.
Grand bal du printemps est en fait un long poème d'une profonde unité, ... et d'une cruelle modernité.
J'ai trouvé avec un grand plaisir chez un libraire cette réédition d'un de ces livres qui ont enchanté mon enfance.
Dernière minute : pour celles et ceux qui me demandaient une suite à la disparition de Josua, j'ai un brouillon qui sera mis en ligne au plus tard demain.