C'est Enriqueta qui nous invite, pour le défi n°80 des CROQUEURS DE MOTS, qu'elle pilote cette semaine, à une poésie du jeudi en "virtuel"
Sujet vaste, polysémique, et en pleine mutation en ce qui concerne l'espace numérique qui essaime toujours plus dans nos vie et notre planète.
Du coup j'ai ouvert en coulisses quelques réfléxions sur le réel et le virtuel
Virtuel en poésie ? Le dessin, poème que j'ai mis en ligne il y a deux semaines, en évoque un aspect.
" Ce n'est pas un hasard", de Ryoko Sekiguchi, (P.O.L.), dont je viens d'achever la lecture, me donne l'occasion de poser quelques uns de ses mots sur la photo prise le 11 mars 2011 par un de mes proches, en France, loin du littoral, que j'ai mis en ligne dans mon billet Hors d'usage ... récemment.
11 mars, page 13
"Tant d'images me reviennent (...). Les images se superposent les unes aux autres. Et tout à la fois, ce sont et ce ne sont pas des images. Lorsqu'on est concerné, l'image n'est pas une image, c'est une réalité ; mais quand on n'est pas directement touché, l'image conserve en quelque sorte son statut d'image, et ce sont ces réalités-images qui nous assaillent chaque fois que le Japon est victime d'une catastrophe (...)
page 14
"Il m'apparait tout à coup qu'il y a des gens qui ne connaissent pas cela, qui n'ont jamais de leur vie été confrontés à une telle situation (...) - c'est une chance inouïe.
12 mars, page 19
" Je repense à la sensation que j'ai eue le premier soir, à cette superposition des images. Ce qu'elle nous dit.
Parce que ce à quoi l'on est confronté quand on est rivé à la télévision, ce n'est pas seulement des images des vagues, du vent, des flammes. Ce sont des moments de vie bien réels (...)"
23 mars, page 91
" (...) Il parait que les enfants de réfugiés, dans les lieux d'accueil, jouent souvent au "tremblement de terre" ou au "tsunami". (...) On dit que les enfants qui jouent à ces jeux-là sont déjà parvenus à un stade où ils peuvent exprimer leur expérience, ce qui est bon signe (...)
24 mars, pages 95-96
"(...) ces mouvements de la nature, s'ils s'activent tout seuls, peuvent donner de belles images. On admire en photo ce genre de phénomène. C'est parce qu'on voit parmi les vagues des maisons, des corps, que cela devient effroyable.
(...)
Ce désir de voir me terrorise. Sous prétexte de confronter la réalité crue, c'est un désir pornographique qu'on satisfait. le désir de voir m'effraie par sa monstruosité.
Faut-il vraiment tout voir pour comprendre ? Et les mots dans tout cela ?"
Ryoko Sekiguchi est une écrivaine et poétesse japonaise habitant à Paris. Elle a tenu en français une chronique des jours qui ont suivi le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 (en la commençant rétroactivement la veille. Elle s'en explique).
Un style fluide, comme on aimerait le lire chez des auteurs dont le français est la langue maternelle, une chronique sensible ressentie de l'intérieur, une réflexion sur le réel et les images, sur le vécu et l'observation extérieure, sur l'écriture, sur la poésie même ... un condensé par petites touches impressionistes (au sens pictural) mais pas seulement, dont je vous recommande évidemment la lecture.
Quelques réflexions sur le réel et le virtuel dans cet autre billet, en coulisses.
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