Pour le Casse-tête de la semaine, creusons-nous la tête en jouant avec les mots.
Mais que croit donc Lajemy ? que d'habitude, nous somms sérieux avec les mots ?
Jeu en quel sens ? Jeu d'enfants ? Jeu d'amants ? jeu de mains ? jeu de vilains ?
La petite histoire dans la grande Histoire est truffée de petites phrases et de jeux de mots.
Qui ne connait le mot de Cambronne ou celui qu'on prête (c'est discuté) à Bonaparte qui n'était pas encore Napoléon
du haut de ces pyramides des siècles nous contemplent
Plus récemment, la machine médiatique s'emballe avec la portée instantanée d'internet. Quelquefois il conviendrait pourtant de réfléchir et de rappeler les souvenirs des érudits pour comprendre des petites phrases ou des petits mots consciemment ou non rattachés à des références dont les médias, au moins, devraient à tout le moins les citer en contexte.
Je ne m'avancerai pas sur le terrain du mot "racaille" dont j'ignore de quelle litérature ou film il est surgi, mais vous souvenez-vous du "sauvageon" prononcé sans doute imprudemment par Jean-Pierre Chevènement ?
En achevant ma lecture de "L'art d'être grand père" de Victor Hugo, je viens tout juste de comprendre que si des commentateurs avaient mieux connu Victor Hugo, ils auraient permis de recadrer le vocable non comme une insulte, mais presque son contraire ! L'homme politique, ainsi que Victor Hugo, comptant plus sur l'importance de l'éducation, et d'une veritable éducation pour tous, que sur la répression des "fautes".
Voici donc le poème où apparait le terme "sauvageon" chez Victor Hugo.
X ENFANTS, OISEAUX et FLEURS
II
Je suis des bois l'hôte fidèle,
Le jardinier des sauvageons,
Quand l'automne vient, l'hirondelle
Me dit tout bas : déménageons.
Après frimaire, après nivôse,
Je vais voir si les bourgeons frais
N'ont pas besoin de quelque chose
Et si rien ne manque aux forêts.
Je dis aux ronces : croissez, vierges !
Je dis : embaume ! au serpolet ;
Je dis aux fleurs bordant les berges :
Faites avec soin votre ourlet.
Je surveille, entr'ouvrant la porte,
Le vent soufflant sur la hauteur ;
Car tromper sur ce qu'il apporte
C'est l'usage de ce menteur.
Je viens dès l'aube, en diligence,
Voir si rien ne fait dévier
Toutes les mesures d'urgence
Que prend avril contre janvier.
Tout finit, mais tout recommence,
Je m'intéresse au procédé
De rajeunissement immense
Vainement par l'ombre éludé.
J'aime la broussaille mouvante,
Le lierre, le lichen vermeil,
Toutes les coiffures qu'invente
Pour les ruines le soleil.
Quand mai fleuri met des panaches
Aux sombres donjons mécontents,
Je crie à ces vieilles ganaches :
Laissez donc faire le printemps !
Victor Hugo, L'art d'être grand-père, Poésie/Gallimard, édition 2008, pages 126 - 127
Bien sûr, il est possible de faire de ces vers une lecture au premier degré. Mais en l'occurrence, le lecteur ainsi résigné se priverait de la substance des autres sens.
Ayant payé le prix fort son engagement militant et sincère, Victor Hugo, pour éviter de nouvelles poursuites judiciaires (au minimum en diffamation) est obligé de filer la métaphore. Ainsi, dans "l'Homme qui rit", place-t-il l'action dans un autre lieu, dans un autre siècle et parle-t-il des rois quand il pense empereur et plus tard sous la première république, conservateurs.
Le poème ci-dessus vient après d'autres où il se décrit en grand-père indulgent, voire complice d'une enfance à la fois innocente et naïvement frondeuse, sauvageonne, donc.
Pour illustrer ce propos, je n'avais que l'embarras du choix.
En voici deux extraits car je sais que je n'ai déjà que trop abusé de votre capacité à lire sur la toile.
Mais il serait bien utile de lire jusqu'au bout le deuxième que je retranscris dans le billet suivant.
Et bien sûr, si le coeur vous en dit, je vous convie à lire en entier
L'Art d'être grand-père, de Victor Hugo, 1877
IV Une tape
[ ... ]
Les légers coups de bec qui sortent des volières,
Le doux rire moqueur des nids mélodieux,
Tous ces petits démons et tous ces petits dieux
Qu'on appelle marmots et bambins, vous enchantent ;
Même quand on les sent vous mordre, on croit qu'ils chantent.
Le pardon, quel repos ! Soyez Dante et Caton
Pour les puissants, mais non pour les petits. Va-t-on
Faire la grosse voix contre ce frais murmure ?
Va-t-on pour les moineaux endosser son armure ?
Bah ! contre de l'aurore est-ce qu'on se défend ?
Le tonnerre chez lui doit être bon enfant.
Extrait de IV Une tape, Grand âge et bas âge mêlés, dito page 100
X
Tout pardonner, c'est trop ; tout donner, c'est beaucoup !
Eh bien je donne tout et je pardonne tout
Aux petits ; et votre oeil sévère me contemple.
Toute cette clémence est de mauvais exemple.
Faire de l'amnistie en chambre est périlleux.
Absoudre des forfaits commis par des yeux bleus
Et par des doigts vermeils et purs, c'est effroyable.
Si cela devenait contagieux, que diable !
[ ... ]
dito, page 108
J'espère que vous goûtez comme moi toute l'ironie que le poète met dans ces lignes.
Notez d'ailleurs au passage combien il est périlleux, pour le coup vraiment, d'extraire quelques phrases d'un texte où c'est l'ensemble qui fait sens.
Otez ici les trois premiers vers ! le lecteur les ignorant ferait de bonne foi un contre-sens complet sur l'intention de Victor Hugo !
Le poème X est ICI (mais laissez-moi le temps de le mettre en ligne si vous ne le trouvez pas encore)