Pour le Jeudi en poésie de Brunô chez les Croqueurs de mots, je continue à effeuiller le florilège constitué à l'adolescence et, tant que c'est possible à le relier au prénom du mercredi.
Alfred de Vigny, l'Aigle des Asturies
Sur la neige des monts, couronne des hameaux,
l'Espagnol a blessé l'aigle des Asturies,
Dont le vol menaçait ses blanches bergeries ;
Hérissé, l'oiseau part et fait pleuvoir le sang,
Monte aussi vite au ciel que l'éclair en descend,
Regarde son soleil, d'un bec ouvert l'aspire,
Croit reprendre la vie au flamboyant empire ;
Dans un fluide d'or il nage puissamment,
Et parmi les rayons se balance un moment.
Mais l'homme l'a frappé d'une atteinte trop sûre ;
Il sent le plomb chasseur fondre dans sa blessure ;
Son aile se dépouille, et son royal manteau
Vole comme un duvet qu'arrache le couteau.
Dépossédé des airs, son poids le précipite ;
Dans la neige du mont il s'enfonce et palpite,
Et la glace terrestre a d'un pesant sommeil
Fermé cet oeil puissant respecté du soleil.