Au fil de mes réflexions, en partant du quotidien et ou de l'actualité, d'une observation, ou à partir de thèmes des communautés de blogs ...
Par Jeanne Fadosi
~ Billet 344 ~
C'est Jeudi en poésie pour les Croqueurs de mots animés par Brunô.
Toujours en puisant dans mon anthologie d'adolescente, je vous emmène revisiter la poésie, telle que la concevait Paul Verlaine en 1874. Il a écrit plusieurs fois sur l'art poétique.
(inutile de s'abîmer les yeux, j'ai bien sûr mis le texte du poème en ligne sous le fac similé de ces pages :il suffit de descendre le curseur à droite de votre écran).
Art poétique
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'indécis au précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière les voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la couleur, rien que la Nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la pointe assassine,
L'esprit cruel et le rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prend l'éloquence et trod lui le cou !
Tu feras bien, en train d'énerige,
De rendre un peu la rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
Ô qui dira les torts de la rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un so
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym ...
Et tout le reste est littérature.
Paul Verlaine, composé en 1874,
publié en 1884 dans Jadis et naguère
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