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Au fil de mes réflexions, en partant du quotidien et ou de l'actualité, d'une observation, ou à partir de thèmes des communautés de blogs ...

La grasse matinée, de Jacques Prévert

En écho à Sous les ponts de Paris, de Vincent Scotto et Jean Rodor, 1914,

pour le second jeudi en poésie du défi n°111 des CROQUEURS DE MOTS piloté par Eglantine-lilas

 

La grasse matinée

 

Il est terrible

Le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain

Il est terrible ce bruit

Quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim

Elle est terrible aussi dans la tête de l'homme

La tête de l'homme qui a faim

Quand il se regarde à six heures du matin

Dans la glace du grand magasin

Une tête couleur de poussière

Ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde

Dans la vitrine de chez Potin

Il s'en fout de sa tête l'homme

Il n'y pense pas

Il songe

Il imagine une autre tête

Une tête de veau par exemple

Avec une sauce de vinaigre

Ou une tête de n'importe quoi qui se mange

Et il remue doucement la mâchoire

Doucement

Et il grince des dents doucement

Car le monde se paye sa tête

Et il ne peut rien contre ce monde

Et il compte sur ses doigts un deux trois

Un deux trois

Cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé

Et il a beau se répéter depuis trois jours

Ca ne peut pas durer

Ca dure

Trois jours

Trois nuits

Sans manger

Et derrière ces vitres

Ces pâtés ces bouteilles ces conserves

Poissons morts protégés par les boîtes

Boîtes protégées par les vitres

Vitres protégées par les flics

Flics protégés par la crainte

Que de barricades pour six malheureuses sardines..

Un peu plus loin le bistrot

Café-crême et croissants chauds

L'homme titube

Et dans l'intérieur de sa tête

Un brouillard de mots

Un brouillard de mots

Sardines à manger

Oeuf dur café-crème

Café arrosé rhum

Café-crème

Café-crème

Café-crime arrosé sang !...

Un homme très estimé dans son quartier

a été égorgé en plein jour

L'assassin le vagabond lui a volé

Deux francs

Soit un café arrosé

Zéro franc soixante-dix

Deux tartines beurrées

Et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

 

Jacques Prevert, Paroles, 1946

 

Jacques Prévert, poète et scénariste français, 1900 - 1977

Joseph Kosma, compositeur français d'origine hongroise, 1905 - 1969

 

L'écouter chanté par Marianne Oswald  ou Mouloudji (là je vais ressortir la platine pour écouter un vynile qui a vu bien des fois l'aiguille du tourne-disques ...

 

mesange-et-coucou-clown---reduc1.JPG

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M
Je ne connaissais pas cette chanson de Prévert. En la lisant, j'ai vu un film se dérouler.<br /> Oui, très vivant, redoutablement réaliste<br /> <br /> Merci pour cette découverte<br /> Bises<br /> Martine
Répondre
J
<br /> <br /> Prévert n'était pas cinéaste pour rien ... sur ce disque, il y a d'autres chansons- court-métrages tels la pêche à la baleine ou encore l'orgue de Barbarie<br /> <br /> <br /> bises<br /> <br /> <br /> <br />
F
cela doit être dur de ne pas avoir d'argent pour manger mais de là à attaquer qq pour 2 francs c'est tout de même grave
Répondre
J
<br /> <br /> Ce n'était qu'un poème Flipperine ...<br /> <br /> <br /> <br />
L
Bonjour Jeanne. Ah, ce Prévert, des phrases terribles toujours sur un ton tranquille ... Bises !
Répondre
J
<br /> <br /> mine de rien. Je ne sais pas s'il aprécierait tant que cela de faire consensus  du moin sdans le discours ... et qu'il soit l'alibi de bien des lâchetés<br /> <br /> <br /> <br />
M
Une idée entraînant l'autre, à donner le vertige! Un cheminement de la pensée très vivant!
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J
<br /> <br /> C'est l'un des talents de Jacques Prévert que d'emmener son lecteur ou son auditeur vers des réflexions essentielles en partant de petits riens ...<br /> <br /> <br /> <br />
Q
Décidément, tu remets à la une de nombreux souvenirs pour moi...<br /> <br /> Merci, Jeanne.
Répondre
J
<br /> <br /> ah c'est sûr que ce n'est pas tout jeune ... mais nous non plus  (sourires ...)<br /> <br /> <br /> bises et belle soirée<br /> <br /> <br /> <br />
E
il est bien d'actualité ce poème que je découvre ...les horloges marquent le temps qui passe mais peu de choses changent dans certains domaines ...
Répondre
J
<br /> <br /> le temps est sans remède contre la misère ...<br /> <br /> <br /> <br />
M
Sous les Ponts de Paris... je me souviens, il y a très longtemps, je dansais avec mon Papa sur cet air !!!!!<br /> Par contre ce texte de Prévert m'était inconnu, très beau mais très poignant aussi et toujours d'actualité, hélas !!<br /> Bonne journée - bisous<br /> Monelle
Répondre
J
<br /> <br /> Je l'ai sur un disque vynile Mouloudji chante Prévert. L'ensemble des chansons vaut la peine ...<br /> <br /> <br /> bises<br /> <br /> <br /> <br />
E
Comme ce merveilleux texte est encore d'actualité et de façon poignante !<br /> Grand merci de nous le remettre en mémoire.<br /> <br /> Prévert est l'un des poètes que j'ai adoré durant mon adolescence, et que je trimballe toujours dans un coin de ma tête, d'autant qu'il fut un extraordinaire collagiste : http://0z.fr/xeR7U<br /> <br /> Amicalement,<br /> eMmA
Répondre
J
<br /> <br /> oui Jacques Prévert a créé avec le même talent dans divers modes d'expression, sans vouloir se laisser enfermer dans une case.<br /> <br /> <br />  un autre lien pour d'autres collages ... http://www.youtube.com/watch?v=cU-OgaRWE7U<br /> <br /> <br /> <br />
J
J'adore et la photo de ton oeuf... !!!! Merci, bises, jill
Répondre
J
<br /> <br /> un oeuf décoré par la main habile de l'un des mes rejetons quand ils étaient à cet âge où l'on aime faire ... et que je garde précieusement ...<br /> <br /> <br /> bises<br /> <br /> <br /> <br />