~ Billet 430 ~
Je vous ai déjà présenté un extrait de la chèvre, tiré d'un recueil de textes de Buffon pour le Jeudi en poésie des Croqueurs de mots.
Et comme ce mercredi des prénoms, j'évoque un chien grec, voici quelques lignes de ce qu'en écrit ce grand naturaliste.
" Le chien
[...]
Le chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent attirer les regards de l'homme. Un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le chien domestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de plaire ; il vient en rampant mettre aux pieds de son maître son courage, sa force, ses talents ; il attend ses ordres pour en faire usage ; il le consulte, il l'interroge, il le supplie ; un coup d'oeil suffit, il entend les signes de sa volonté ; sans avoir, comme l'homme, la lumière de la pensée, il a toute la chaleur du sentiment ; il a de plus que lui la fidélité, la constance dans ses affections ; nulle ambition, nul intérêt, nul désir de vengeance, nulle crainte que celle de déplaire ; il est tout zèle, tout ardeur, et tout obéissance ; plus sensible au souvenir des bienfaits qu'à celui des outrages, il ne se rebute pas des mauvais traitements, il les subit, les oublie, ou ne s'en souvient que pour s'attacher davantage ; loin de s'irriter ou de fuir, il s'expose de lui-même à de nouvelles épreuves ; il lèche cette main, instrument de douleur qui vient de le frapper, il ne lui oppose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission.
Plus docile que l'homme, plus souple qu'aucun des animaux, non-seulement le chien s'instruit en peu de temps, mais même il se conforme aux mouvements, aux manières, à toutes les habitudes de ceux qui lui commandent ; il prend le ton de la maison qu'il habite ; comme les autres domestiques, il est dédaigneux chez les grands, et rustre à la campagne : toujours empressé pour son maître et prévenant pour ses seuls amis, il ne fait aucune attention aux gens indifférents, et se déclare contre ceux qui par état ne sont faits que pour importuner ; il les connait aux vêtements, à la voix, à leurs gestes, et les empêche d'approcher. [...]
On sentira de quelle importance cette espèce est dans l'ordre de la nature. En supposnat un instant qu'elle n'aût jamais existé, comment l'homme aurait-il pu, sans le secours du chien, conquérir, dompter, réduire en esclavage les autres animaux ? comment pourrait-il encore aujourd'hui découvrir, chasser, détruire les bêtes sauvages les plus nuisibles ? Pour se mettre en sûreté, et pour se rendre maître de l'univers vivant, il a fallu commencer par se faire un parti parmi les animaux, se concilier avec douceur et par caresses ceux qui se sont trouvés capables de s'attacher et d'obéir, afin de les opposer aux autres. Le premier art de l'homme a donc été l'éducation du chien, et le fruit de cet art la conquête et la possession paisible de la terre.
[...] "
Extrait de
Oeuvres choisies de Buffon*
précédées d'une notice sur sa vie et ses ouvrages
par D. Saugié
Ad MAME et Cie, Imprimeurs-libraires, 1847, pages 88 à 90
Alors, veillons à ce que ce compagnonage apaisé puisse continuer avec sagesse, comme je l'évoquais déjà dans Marron paradoxe
en vous présentant le petit fascicule de Frank Pavloff : Matin brun, Cheyne editeurs, 2002. en savoir plus