~ Billet 445 ~
Pour accompagner le dernier prénom du mercredi de la saison, voici, pour le Jeudi en poésie des Croqueurs de mots, un nouvel extrait de mon anthologie de poèmes constituées à l'adolescence.
Le rêve du jaguar
Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent et s'enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
C'est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un soufle rauque et bref, d'une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit de soeil
Il s'affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
D'un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ;
Et, dans l'illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs
Il rêve qu'au milieu des plantations vertes vertes,
Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.
Leconte de Lisle, 1818 - 1894
Poèmes barbares,1ère édition Poulet-Malassis, 1862
Ce poème est plus court que La panthère noire, et tiré du même recueil.
Dernière minute delundi 31 mai, la lettre t, subtilisée par un lutin facétieux, et dont l'absence m'a été signalée par Quichottine, a retrouvé sa place après son escapade. Je me demande bien ce qu'il a fait pendant tous ces jours !