c'est vrai que je n'ai pas publié sur mon blog ma contribution à La marguerite des possibles.
Ce recueil a permis d'accompagner le projet de deux jeunes malades, celui de Victoria en octobre, qui a assisté à toute une journée de tournage de son acteur favori, et Anthony, qui s'est envolé vers Los Angelès avec sa famille et toute une logistique nécessaire à son état fin janvier.
J'avais dit à Quichottine que je le ferais le 1er janvier peut-être. Et j'ai laissé passé cette date.
Le siècle de GrandMa
Elle est née avec le siècle. Pas celui-ci, l'autre.
Elle s'étonne, en ce 1er janvier, d'avoir à souffler cent petites bougies patiemment allumées sur un énorme gâteau. Beaucoup de monde autour de la centenaire. Elle a chaud au cœur. Pour rien au monde elle ne laisserait percer la fatigue ressentie à cette effervescence qui bouscule son quotidien feutré, ni la peine qui met un voile sur sa joie à l'évocation de trop d'absents.
Il ne fallait pas ! Je ne vais jamais arriver à toutes les souffler !
Mais si, Grandma, t'en fais pas, on va -t-aider !
Margot, la petite dernière, a eu ce cri du cœur. Margot, toujours prête à dire avec le sourire, « trois ans, trois bouzies » quand on lui demande son âge.
Trois ans, l'âge de tous les possibles !
Entre Grandma et Margot, 97 ans et cinq générations !
Raconte-nous ton siècle, Grand-mamie !
C'est Petit Paul, presque dix ans, le plus jeune des oncles de Margot, qui ne se lasse pas de questionner sa tri-aïeule.
C'est vrai que tu es née dans une maison ?
C'est vrai, mon Paul, la sage-femme était notre voisine.
Il devait faire très froid
C'est vrai ! La grande cheminée, avait été ramonée, du bois bien sec mis de côté. Les grands seaux d'eau glacée tirée du puits mettaient longtemps à y chauffer. Tu peux me croire.
Mamie Rite est née à la maison aussi ?
L'aïeule plonge dans ses souvenirs en un doux monologue. « Mon Henri avait acheté une cuisinière à feu continu. L'eau y chauffait vite. Et même un éclairage électrique grâce à la turbine du moulin qui alimentait tout le hameau. L'autre nouveauté était la pompe à bras, plus pratique que le puits.
Le grand-père de Margot, tout était prévu pour qu'il naisse à la maternité. Mais il y a eu la défaite de 1940 et les routes de l'exode. La vieille Marcelline n'y voyait plus assez clair pour officier elle-même. Deux bonnes sœurs infirmières la secondaient. Elles ont tout appris à Marguerite.
Est-ce pour cela que Grand-mère est devenue sage-femme après la guerre ?
Jusqu'à sa retraite. Et puis la maternité a fermé et toi, Paul tu es allé naître à la grande ville ...
L'aïeule évoque l'arrivée du téléphone chez les nouveaux voisins, en 1960, la télévision qu'ils n'ont jamais eu, la machine à laver et le réfrigérateur arrivés quand son fils et sa bru sont venus s'occuper de la ferme. Le départ du dernier taureau, sa dernière vache, le recours à la modernité de l'insémination artificielle.
Aujourd'hui, Petit Paul et Margot n'en entendront pas plus. Le menton retombé sur sa poitrine frêle, Grandma continue à égrener ses souvenirs dans une sieste béate tandis que Margot et Paul rêvent tout haut à ce monde fini et à leurs futurs, inconnus.
Jeanne Fadosi, La marguerite des possibles, thebookedition 2013, p. 138 - 139
Pourquoi donc je le mets en ligne aujourd'hui?
C'est que voilà quatre mois que les sage-femmes sont en grève dans l'indifférence générale. Non pas qu'elles désertent les salles d'accouchement, non, elles le pourraient, mais qui accompagneraient les mères alors ?
Alors elles sont à l'hôpital avec leur brassard "en grève" et de temps en temps elles manifestent dans la rue.
Sans beaucoup d'écho dans la rue il faut bien le reconnaitre.
Que demandent-elles ? pas même des augmentations de salaire, juste leur reconnaissance dans un vrai statut.
Pourtant, mon blog est né, par hasard, sous le signe des maternités. Alors que je n'avais avisé personne de cette ouverture, et que je connaissais absolument rien de la blogosphère, j'ai eu la surprise de constater une augmentation soudaine de la consultation de mon troisème billet Naître au monde.
Intriguée, j'ai alors découvert par Google la lutte remarquable du personnel de la maternité de Carhaix pour éviter sa fermeture.
Il en a même été fait un film avec Catherine Frot, firmine Richard, Mathilde Seigner et Laurence Arné : Bowling
Je ne l'ai pas vu et il n'a pas eu un grand succès. Faut dire qu'il est sorti en été ...
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