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Au fil de mes réflexions, en partant du quotidien et ou de l'actualité, d'une observation, ou à partir de thèmes des communautés de blogs ...

Les deux pigeons, de Jean de La Fontaine

 

Pour le 1er jeudi en poésie du défi n°107 des CROQUEURS DE MOTS proposé par ABC

Pour prolonger le mercredi des prénoms, faire un clin d'oeil aux états d'âme de Bernard Pivot (Vieillir ?)

 

dernière minute : j'avais programmé ces deux billets sur les pigeons il y a quelques jours

Ils doivent prendre des accents douloureux et peut-être cruels

pour Jill Bill qui vient de perdre son papa

et pour Eliane, sa femme, et les enfants de Patriarch.

Il est un dernier voyage qu'on l'on fait généralement seul

le souvenir reste dans les coeurs

 

colombes

 

 

 

et parce qu'il y est écrit, 

« Amants, heureux amants , voulez-vous voyager?

Que ce soit aux rives prochaines ;

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,

Toujours divers, toujours nouveau ;

Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. »

Jean de La Fontaine*, extrait de Les deux pigeons

 

Qui sait en écho à cet aphorisme attribué à Ninon de Lenclos :

 

« En bonne arithmétique, un plus un égale tout et deux moins un égale rien.  »

Ninon de Lenclos** (ou attribué à)

 

 

LES DEUX PIGEONS

 

Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre.

L'un d'eux s'ennuyant au logis

Fut assez fou pour entreprendre

Un voyage en lointain pays.

L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ?

Voulez-vous quitter votre frère ?

L'absence est le plus grand des maux :

Non pas pour vous, cruel.  Au moins que les travaux,

Les dangers, les soins  du voyage,

Changent un peu votre courage.

Encore si la saison s'avançait davantage !

Attendez les zéphyrs : qui vous presse? Un Corbeau

Tout à l'heure annonçait malheur à quelque Oiseau.

Je ne songerai plus que rencontre funeste,

Que Faucons, que réseaux1. Hélas, dirai-je, il pleut :

Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,

Bon soupé, bon gîte, et le reste ? 

Ce discours ébranla le coeur

De notre imprudent voyageur ;

Mais le désir de voir et l'humeur inquiète

L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point :

Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ;

Je reviendrai dans peu conter de point en point

Mes aventures à mon frère.

Je le désennuierai : quiconque ne voit guère

N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint

Vous sera d'un plaisir extrême.

Je dirai : J'étais là ; telle chose m'avint ;

Vous y croirez être vous-même.

A ces mots en pleurant ils se dirent adieu.

Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage

L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.

Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage

Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage.

L'air devenu serein, il part tout morfondu,

Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,

Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,

Voit un Pigeon auprès : cela lui donne envie :

Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las2 

Les menteurs et traîtres appas.

Le las était usé : si bien que de son aile,

De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.

Quelque plume y périt : et le pis du destin

Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle,

Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle

Et les morceaux du las qui l'avaient attrapé,

Semblait un forçat échappé.

Le Vautour s'en allait le lier, quand des nues

Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.

Le Pigeon profita du conflit des voleurs,

S'envola, s'abattit auprès d'une masure,

Crut, pour ce coup, que ses malheurs

Finiraient par cette aventure ;

Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié

Prit sa fronde, et, du coup, tua plus d'à moitié

La Volatile3 malheureuse,

Qui, maudissant sa curiosité,

Traînant l'aile et tirant le pié,

Demi-morte et demi-boiteuse,

Droit au logis s'en retourna :

Que bien, que mal  elle arriva

Sans autre aventure fâcheuse.

Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger

De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.

Amants, heureux amants , voulez-vous voyager?

Que ce soit aux rives prochaines ;

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,

Toujours divers, toujours nouveau ;

Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.

J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors

Contre le Louvre et ses trésors,

Contre le firmament et sa voûte céleste,

Changé les bois, changé les lieux

Honorés par les pas, éclairés par les yeux

De l'aimable et jeune bergère

Pour qui, sous le fils de Cythère,

Je servis, engagé par mes premiers serments.

Hélas! Quand reviendront de semblables moments?

Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants

Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète?

Ah! si mon coeur osait encor se renflammer!

Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête?

Ai-je passé le temps d'aimer?

 

Jean de La Fontaine

 

 

*Jean de La Fontaine, 1621 - 1695, poète et fabuliste français

**Ninon de Lenclos, 1620 - 1705, femme de lettres et courtisane

 

1. réseaux, vieux français, rets, filets

2. las, autre terme pour autre type de filet, piège

3. Au XVIIe siècle, on utilisait encore couramment pigeon et colombe indifféremment.

 

Pour un commentaire plus complet CLIC

 

TrocazaBouvryiBonaparte-Cl-1857.jpgTrocaz-pigeon.jpg

.

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F
une belle fable peu connue, le pigeon un bel oiseau mais qu'est ce c'est sale
Répondre
J
<br /> <br /> Elle est connue aussi mais elle est un peu longue pour être apprise en classe<br /> <br /> <br /> <br />
A
C'est toujours bien de relire les fables de La Fontaine, merci !
Répondre
J
<br /> <br /> Celle-ci est longue. Je ne me souvenais plus qu'elle l'était tant !<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bonjour Jeanne !<br /> <br /> Je ne sais pas pourquoi, mais je n'avais pas encore trouvé ton site. Heureusement que tu l'as mis en lien avec ton com sur l'Ardoise !<br /> <br /> Maintenant, je connais le chemin !<br /> <br /> Biseeeeeeeeeeeeeees de Christineeeeeeeeeeeee
Répondre
J
<br /> <br /> tu es venus sur mon autre blog mais je n'y publie que la photo de la semaine ou à peu près.<br /> <br /> <br /> Ici, je participe à différents jeux d'écriture ou de photo et j'y ajoute mon grain de sel de temps en temps.<br /> <br /> <br /> Ravie d'avoir l'occasion de t'accueillir encore<br /> <br /> <br /> <br />
O
Bonjour Jeanne.<br /> C'est comme si je découvrais ce poème pour la première fois. J'avais oublié qu'il était si long n'ayant gardé en mémoire que les premiers vers...<br /> Il y a de la tristesse sur le net en ce moment et je m'associe, comme toi, en pensée à ceux qui pleurent aujourd'hui un être cher.<br /> Gros bisous à toi.
Répondre
J
<br /> <br /> moi aussi figure-toi. Et ma programmation n'avait pas prévu l'amer écho que cela doit être avec l'article précédent pour Jill qui vient de perdre son papa.<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> <br />
L
bonjour !!<br /> une belle fable et une morale comme toujours avec Monsieur de la Fontaine-<br /> merci j'ai apprécié !! bisous et bonne journée-
Répondre
J
<br /> <br /> il a sans doute abordé tous les sujets<br /> <br /> <br /> <br />
Q
Je ne sais que te dire ce matin...<br /> <br /> Mes pensées vont à ceux qui perdent ou ont perdu celui ou celle qui les complétait tant qu'il ne reste rien quand il ou elle manque.<br /> <br /> Il y a tant à reconstruire ensuite. Certains y arriveront, d'autres non.<br /> <br /> Passe-ton vraiment le temps d'aimer ?<br /> <br /> Passe une douce journée. Bises.
Répondre
J
<br /> <br /> il faudra du temps. C'est normal. après, chacun réagit à sa façon.<br /> <br /> <br /> Bises et belle fin de semaine Quichottine<br /> <br /> <br /> <br />