~ Billet 439 ~
Pour le jeudi en poésie des Croqueurs de mots, et comme une suite vagabonde de ma petite Hyacinthe de ce mercredi.
LES TOURNESOLS
Paroles et musique de Jean Ferrat, productions alleluia, 1991
en hommage à Vincent Van Gogh
Mon prince noir et famélique
Ma pauvre graine de cldo
Toi qui vécus fantomatique
En peignant tes vieux godillots
Toi qui allais la dalle en pente
Toi qu'on jetait dans le ruisseau
Qui grelotais dans ta soupente
En inventant un art nouveau
T'étais zéro au Top cinquante
T'étais pas branché comme il faut
Avec ta gueule hallucinante
Pour attirer les capitaux
Mais dans un coffre climatisé
Au pays du Soleil-Levant
Tes tournesols à l'air penché
Dorment dans leur prison d'argent
Leurs têtes à jamais figées
Ne verront plus les soirs d'errance
Le soleil fauve se coucher
Sur la campagne de Provence
Tu allais ainsi dans la vie
Comme un chien dans un jeu de quilles
La bourgeoisie de pacotille
Te faisait le coup du mépris
Et tu tombais dans les ténèbres
Et tu noyais dans les bistrots
L'absinthe à tes pensées funèbres
Comme la lame d'un couteau
Tu valis rien au hit-parade
Ni à la une des journaux
Toi qui vécut dans la panade
Sans vendre un seul de tes tableaux
Mais dans un coffre climatisé
Au pays du Soleil-Levant
Tes tournesols à l'air penché
Dorment dans leur prison d'argent
Leurs têtes à jamais figées
Ne verront plus les soirs d'errance
Le soleil fauve se coucher
Sur la campagne de Provence
Dans ta palette frémissante
De soufre pâle et d'infini
Ta peinture comme un défi
Lance une plainte flambloyante
Dans ce monde aux valeurs croulantes
Vincent ma fleur mon bel oiseau
Te voilà donc Eldorado
De la bourgeoisie triomphante
Te voilà star au Top cinquante
Te voilà branché comme il faut
C'est dans ta gueule hallucinante
Qu'ils ont placé leurs capitaux
Mais dans un coffre climatisé
Au pays du Soleil-Levant
Tes tournesols à l'air penché
Dorment dans leur prison d'argent
Leurs têtes à jamais figées
Ne verront plus les soirs d'errance
Le soleil fauve se coucher
Sur la campagne de Provence.
Jean Ferrat
cliché de 2008, dans le jardin de Claude Monnet à Giverny