Fanfan a lancé le premier coup de canon du défi n°56 des CROQUEURS DE MOTS sous forme d'une nouvelle policière ... Mais en attendant, elle n'a pas oublié le jeudi en poésie sous le signe des mères (Fête des mères oblige, du moins en France)
Période difficile pour les mères dont le coeur saigne ou pour les vieux enfants dans la nostalgie de leurs jours d'insouciance.
Alors j'ai pris sur le rayonnage un vieux livre un peu poussiéreux, sans doute pas le plus connu d'Alphonse Daudet.
Et pourtant que de condensés de bijoux de tendresse dans ces pages collectées tout exprès par l'auteur à la célébration de la mère, sous l'impulsion du directeur de collection Gustave Toudouze.
J'avais l'embarras du choix dans ce recueil oublié à la poussière d'un étagère. Mais dans la suite logiquede mon billet A l'ombre ou en pleine lumière ?, et un peu aussi pour Fanfan voici un extrait du Nabab, publié en 1877.
L'ex futur député de la deuxième circonscripiton de la Corse sort du palais de l'Assemblée Nationale et rejoint sa mère, alors qu'il vient de voir son élection annulée
"Prenez mon bras, ma mère... il ne faut pas rester là"
Il dit cela très haut, d'un ton si calme et si ferme que tous les rires cessèrent, et que la vieille femme subitement apaisée, soutenue par cette étreinte solide où s'appuyaient les derniers tremblements de sa colère, put sortir du palais entre deux haies respectueuses. Couple grandiose et rustique, les millions du fils illuminant la paysannerie de la mère comme ces haillons de saints qu'entoure une châsse d'or, ils disparurent dans le beau soleil qu'il faisait dehors, dans la splendeurde leur carosse étincelant, ironie féroce en présence de cette grande détresse, symbole frappant de l'épouvantable misère des riches.
Tous deux assis au fond, car ils craignaient d'être vus, ils ne se parlèrent pas d'abord. Mais dès que la voiture se fut mise en route, qu'il eut vu fuir derrière lui le triste calvaire où son honneur restait au gibet, Jansoulet, à bout de forces, posa sa tête contre l'épaule maternelle, la cacha dans un croisement du vieux châle vert, et là, laissant ruisseler ses larmes brûlantes, tout son grand corps secoué par les sanglots, il retrouvait le cri de son enfance, sa plainte patoise de quand il était tout petit : "Mama ... Mama ... "
Le Nabab, Alphonse Daudet, première publication en feuilleton en 1877
Attention, toute ressemblance avec quelque fait d'actualité que ce soit serait tout à fait fortuit. Ce roman de Alphonse Daudet est paru en 1877, repris dans Les mères en 1896