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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 05:00

 

Pour le 2e jeudi en poésie du défi n°128 des CROQUEURS DE MOTS animé cette quinzaine par M'amzelle Jeanne

 

Pour le centième anniversaire de la mort de Jean Jaurès

 

Jaurès1

 

Ils étaient usés à quinze ans

Ils finissaient en débutant

Les douze mois s´appelaient décembre

Quelle vie ont eu nos grand-parents

Entre l´absinthe et les grand-messes

Ils étaient vieux avant que d´être

Quinze heures par jour le corps en laisse

Laissent au visage un teint de cendres

Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître


Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

 

On ne peut pas dire qu´ils furent esclaves

De là à dire qu´ils ont vécu

Lorsque l´on part aussi vaincu

C´est dur de sortir de l´enclave

Et pourtant l´espoir fleurissait

Dans les rêves qui montaient aux cieux

Des quelques ceux qui refusaient

De ramper jusqu´à la vieillesse

Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur

 

Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès?


Si par malheur ils survivaient

C´était pour partir à la guerre

C´était pour finir à la guerre

Aux ordres de quelque sabreur

Qui exigeait du bout des lèvres

Qu´ils aillent ouvrir au champ d´horreur

Leurs vingt ans qui n´avaient pu naître

Et ils mouraient à pleine peur

Tout miséreux oui notre bon Maître

Couverts de prèles oui notre Monsieur

Demandez-vous belle jeunesse

Le temps de l´ombre d´un souvenir

Le temps de souffle d´un soupir

 

Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès?

Jacques Brel2, 1ère chanson de l'album Les Marquises3, 1977

 

1.- Jean Jaurès, homme politique français, 1859 - 31 juillet 1914

assassinat de Jean Jaurès par Raoul Villain (articles wikipedia)

(si vous préférez une lecture plus agréable dans un excellent résumé assassinat de Jean Jaurès sur le Journal La chouette sur lequel j'ai trouvé l'illustration)

2.- Jacques Brel, chanteur belge, auteur-compositeur-interprète, 1929 - 1978

3.- Les Marquises, dernier album de Jacques Brel, sorti sans titre sinon juste Brel, son album testament en quelque sorte.

 

L'écouter (il faut aussi regarder la vidéo 

 

assassinat-de-Jaures-31-07-1914.jpg

 

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24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 05:00

 

M'amzelle Jeanne à la barre du défi n°128 des CROQUEURS DE MOTS laisse aux moussaillons amateurs de poèmes le libre choix du thème. Et comme le thème général du défi semble être les sentiments, voici ce que Vercors écrit de la passion en un petit paragraphe de sa nouvelle La marche à l'étoile.

Oui, je sais, c'est de la prose. Mais dans cette nouvelle remarquablement écrite, le héros, Thomas, poétise sa vie au moins autant qu'il ne la vit et la projette dans l'avenir, du moins au début.

 

Telle est la force de la passion, - telle en est la limite aussi et c'est pourquoi je ne l'aime pas. La passion est une terrible destructrice. Elle détruit dans la tête de qui la loge tout ce qui n'est pas son idée fixe. Elle fait une effroyable consommation d'impulsions et de concepts dont elle nourrit son insatiable cancer. Et quand, par fortune bonne ou mauvaise, elle vient à disparaître (comblée ou consumée), elle laisse dans la maison de qui l'a nourrie une vacance dévastée, et son hôte privé de désirs, - hormis la soif de devenir esclave de nouveau.

Vercors1, La marche à l'étoile, 1943,

p139 dans l'édition de 2013 du livre de poche du silence de la mer et autres nouvelles suivi de La marche à l'étoile

 

1.- Vercors (Jean Bruller), écrivain et illustrateur français, 1902 - 1991

 

Vos participations sont à signaler en commentaire de l'article du blog des Croqueurs de mots

où vous retrouverez aussi les autres participations

 

marche-etoile-1.jpg

(image trouvée ICI)

 

bonus : Une passion "très contrôlée" de la musique (pardonnez-moi cet oxymore) (La Roque d'Anthéron/France Inter, jeudi 24/07/2014, 7h23)

 

Et sur un autre sentiment qu'est l'amitié :

Les amis de La Fontaine ; Parole de Socrate, de Jean de La Fontaine

 

 

.

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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 05:00

 

Enriqueta pilote le défi n°127 des CROQUEURS DE MOTS en nous prenant par la main dans les allées des lieux et des objets de lecture.

Ce poème m'avait été inspiré par la visite d'une exposition associée à une présentation audio-visuelle à "la Bibliothèque Nationale, site Richelieu pendant l'hiver 2010*. Le lieu était en plein travaux de rénovation. Une rénovation qui devrait encore se prolonger quelque temps pour être à la fois un lieu de mémoire et d'ouverture à un large public et un lieu de ressources de haute qualité scientifique.

 

La salle Labrouste, dont il est question ici, est en pleine rénovation. 

 

Surtout, ne pas se précipiter,

Sur le seuil de la salle Labrouste,

Suspendre un instant son geste.

Se laisser surprendre par le sombre du lieu

L'embrasser de son regard, vaste et circulaire,

Surprendre le bruissement des feuilles dessinées,

dans le sillon d'un éclat de soleil,.

Sous les arceaux de plein cintre ciselés

Se laisser caresser par les sons susurrés,

Venant s'entrelaçer secoués en tous sens,

Sentir s'amplifier les enceintes  jusqu'à saturation,

Savourer la majesté de l'éclairage progressif ;

Saisir au vol des parcelles de sens ;

Rebondissant sur les rayons sans poussière

Suivre le sillage des spots vers la scène 

qui s'anime soudain sur les plis d'un tissu suspendu,

En quelques scènes de films, se souvenir de titres,

Se délecter aux citations semées en sillonnant les allées,

S'asseoir sur un siège ciré et soulever ce pupitre de mystère,

S'évader sur l'écran avec la lectrice

Dans une histoire singulière ;

Oublier ces autres sons sifflant à ses oreilles ;

Se perdre dans tous ces signes donnés à voir et à entendre,

En oublier les secondes et l'heure au sablier.

S'imaginer ces silhouettes concentrées et studieuses

Et soudain c'est l'évidence du silence 

Surgissant dans cette vaste salle

rendue à sa destinée de lecture sereine

Par la puissance de son imagination ...

Jeanne Fadosi, dimanche 1er novembre 2009

pour les môts de tête n°9 de Brunô

 

* Choses lues, choses vues, devenue une exposition virtuelle en ligne

BnF Bibliothèque nationale de France (site officiel)

visite virtuelle du site Richelieu

salle Labrouste

actualité sur la rénovation

BnF : actualités sur les expositions

 

Vos participations sont à signaler en commentaire de l'article 

 

      et vous y trouverez en lien les autres participations

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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 13:15

 

Après avoir ouvert la communauté des Croqueurs de mots pour donner un cadre à ses défis d'écriture, Brunô a ouvert une nouvelle rubrique avec le Jeudi en poésie.

Je les ai publié sous la rubrique jeudi en poésie

 

La plupart sont des poèmes en vers et vous en trouverez la liste dans l'ordre chronologique inversé (du plus récent au plus anciennement mis en ligne, sauf réédition(s)) en cliquant dans la colonne de droite sur la catégorie Jeudi en poésie

Une partie d'entre eux proviennent d'une anthologie que j'ai commencé et laissé en rade lorsque j'étais en seconde et que j'ai précieusement conservée.

J'y publie aussi, à l'occasion les textes de chansons collectées par mon père dans un cahier quadrillé à couverture noire lorsqu'il faisait son service militaire à Agadir dans les transmissions en 1924. Il était aux premières loges pour capter la radio lorsque les heures étaient calmes.

De temps à autre, j'y insère des poèmes de ma composition. C'est un effet pervers de ce blog qui devait entre autre m'encourager à continuer cette écriture que de m'en détourner plutôt pour relever les défis et exercices périodiques et lire et partager, par commentaires interposés.

Je prends moins le temps de la solitude créatrice, de la pensée libre ... Mais en contrepartie, je me nourris de ces échanges généreux et souvent sans calculs.

 

archivé en brouillon le 25/02/2011 à 18:00

 

Albert Samain sur le port    locéan chanson - reduc

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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 05:00

 

Le défi n°127 des CROQUEURS DE MOTS, animé par Enriqueta nous conduit dans les allées tranquilles de bibliothèques et de leurs livres.

Il n'est jamais superflu de mettre la lecture et les livres à l'honneur. Et quel plus bel endroit qu'une bibliothèque qui met les livres à la disposition du plus grand nombre.

J'en profite donc pour rééditer ce poème de Francis Jammes, mis en ligne une première fois le jeudi 23 mars 2012 à 8h pour mémette pour le 1er jeudi en poésie du défi n°78 des CROQUEURS DE MOTS dont l'amirale en chef Tricôtine a mis les voiles pour un voyage bien mérité.

 

Comme le jeudi suivant était sous le signe de l'imaginaire, il m'avait semblé que ce texte convenait aux deux ...

 

(J'ai connu des camarades de classe pour qui l'almanach était la seule lecture dont ils disposaient chez eux en dehors de leurs propres livres de classe ...)

 

 

L'Enfant lit l'almanach ...

 

 

 

L'enfant lit l'almanach près de son panier d'oeufs.

Et, en dehors des Saints et du temps qu'il fera,

elle peut contempler les beaux signes des cieux :

Chèvre, Taureau, Bélier, Poisson, et coetera.

 

Ainsi, peut-elle croire, petite paysanne,

qu'au-dessus d'elle, dans les constellations,

il y a des marchés, pareils avec des ânes,

des taureaux, des béliers, des chèvres, des poissons.

 

C'est le marché du Ciel sans doute qu'elle lit.

Et, quand la page tourne au signe des Balances,

elle se dit qu'au Ciel comme à l'épicerie

on pèse le café, le sel, et les consciences.

 

Francis JAMMES, Clairières dans le Ciel, 1906

 

 

Francis Jammes, 1868 - 1938

 

relire sa rédaction - reduc1

 

En permettant l'accès aux livres autres que l'almanach, Honoré Daumier représentait en 1848 la République nourrissant ses enfants et les instruisant.

 

Daumier n'était pas encore le caricaturiste célèbre qu'il est devenu par la suite et je me demande quel regard il porterait sur ce qu'il a été fait de la République et de l'Ecole aujourd'hui ! (réflexion de mars 2012, le lien n'est plus valide et conduisait à tout autre chose)

 

Dernière minute fin d'après-midi : Bonus et contrepoint

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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 09:09

 

bon voilà, mes actes manqués de programmation me décident à publier cette impertinence que j'évoque en introduCtion de la mise en ligne de La nuit d'octobre, de Musset.

 

et c'est toujours pour le défi n°126 des CROQUEURS DE MOTS

 

Le coeur plein de fiel,

ta muse t'a déserté,

fuyant tant de haine.

 

La chaise du poète est vide ;

Sèchent la plume et l'encrier.

 

Qu'attendais-tu homme fier ?

Femme libre te libère.

Jeanne Fadosi, vendredi 27 juin 2014

 

impertinence empruntée au tanka sur les états d'âme d'Alfred de Musset dont George Sand ne supportait plus les caprices, les exigences et (si le mot n'existait pas le comportement si) le machisme.

La séparation est définitive en mars 1835.

Salutaire, Musset y puise l'inspiration de quatre longs poèmes parmi ses plus renommés : d'abord La nuit de mai, puis La nuit de décembre, puis La nuit d'août et enfin, La nuit d'octobre.

plume-b.gif

 

Rassemblement pour indiquer ses participations et prendre connaissance des autres participants sur le blog des Croqueurs de mots et plus précisément 

Défi 126 , à la barre Jeanne Fadosi :      

suivre les liens déposés en commentaires sous cet article en attendant que dômi ait le temps de compléter    

 

 

 

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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 05:00

Pour le Défi n°126 des CROQUEURS DE MOTS sous le signe des chaises ou de l'attente ou en toute liberté.

Un petit problème technique sur une autre de ces merveilleuses petites machines dont on ne peut plus se passer m'a empêché de vérifier si j'avais bien mis en ligne comme prévu ce matin un poème pour ce jeudi.

Raté, il y était bien mais dans mes brouillons. Il faut dire que j'avais hésité et même commis une impertinence envers Musset  toujours en brouillon et que je balance en ligne ICI

***

 

Le poète n'attend plus. La chaise et le pupitre ont retrouvé ses nuits d'écriture.

Après la rupture définitive de sa liaison tumultueuse avec george Sand, en mars 1835, il écrit sur deux ans quatre longs poèmes La nuit de mai et La nuit de décembre en 1835, La nuit d'août en 1836 et La nuit d'octobre en 1837

 

La nuit d'octobre

 

Le poète.

 Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve ;

Je n'en puis comparer le lointain souvenir

Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève,

Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

 

La muse

 Qu'aviez-vous donc, Ô mon poète ?

Et quelle est cette peine secrète

Qui de moi vous a séparé ?

Hélas ! Je m'en ressens encore,

Quel est donc ce mal que j'ignore

Et dont j'ai si longtemps pleuré ?

 

Le poète.  

C'était un mal vulgaire et bien connu des hommes.

Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le coeur,

Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,

Que personne avant nous n'a senti la douleur. 

 

La muse.

Il n'est de vulgaire chagrin

Que celui d'une âme vulgaire.

Ami, que ce triste mystère S'échappe aujourd'hui de ton sein.

Crois-moi, parle avec confiance :

Le sévère Dieu du silence

Est un des frères de la Mort ;

En se plaignant, on se console ;

Et quelquefois une parole

Nous a délivré d'un remord.

 

Le poète.

S'il fallait maintenant parler de ma souffrance,

Je ne sais trop quel nom elle devrait porter,

Si c'est amour, folie, orgueil, expérience,

Ni si personne au monde en pourrait profiter.

Je veux bien toutefois t'en raconter l'histoire,

Puisque nous voilà seuls, assis près du foyer.

Prends cette lyre, approche, et laisse ma mémoire

Au son de tes accords doucement s'éveiller.

 

La muse.

Avant de me dire ta peine,

Ô poète ! en es-tu guéri ?

Songe qu'il t'en faut aujourd'hui

Parler sans amour et sans haine.

S'il te souvient que j'ai reçu

Le doux nom de consolatrice,

Ne fais pas de moi ta complice

Des passions qui t'ont perdu.

 

Le poète.

Je suis si bien guéri de cette maladie,

Que j'en doute parfois lorsque j'y veux songer ;

Et quand je pense aux lieux où j'ai risqué ma vie,

J'y crois voir à ma place un visage étranger.

Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui t'inspire

Nous pouvons sans péril tous deux nous confier.

Il est doux de pleurer, il est doux de sourire

Au souvenir des maux qu'on pourrait oublier.

 

La muse.

Comme une mère vigilante

Au berceau d'un fils bien-aimé,

Ainsi je me penche tremblante

Sur ce coeur qui m'était fermé.

Parle, ami, - ma lyre attentive

D'une note faible et plaintive

Suit déjà l'accent de ta voix

Et dans un rayon de lumière,

Comme une vision légère,

Passe les ombres d'autrefois.

 

Le poète.

Jours de travail ! seuls jours où j'ai vécu !

O trois fois chère solitude !

Dieu soit loué, j'y suis donc revenu,

A ce vieux cabinet d'étude !

Pauvre réduit, murs tant de fois déserts,

Fauteuils poudreux, lampe fidèle,

O mon palais, mon petit univers,

Et toi, Muse, ô jeune immortelle,

Dieu soit loué, nous allons donc chanter !

Oui, je veux vous ouvrir mon âme,

Vous saurez tout et je vais vous conter

Le mal que peut faire une femme ;

Car s'en est une, ô mes pauvres amis

(Hélas ! vous le saviez peut-être),

C'est une femme à qui je fus soumis,

Comme le serf l'est à son maître.

Joug détesté ! C'est par là que mon coeur

Perdit sa force et sa jeunesse ;

Et cependant, auprès de ma maîtresse,

J'avais entrevu le bonheur.

Près du ruisseau, quand nous marchions ensemble,

Le soir, sur le sable argentin,

Quand devant nous le blanc spectre du tremble

De loin nous montrait le chemin ;

Je vois encore, aux rayons de la lune,

Ce beau corps plier dans mes bras ...

N'en parlons plus, ...  je ne prévoyais pas

Où me conduirait la Fortune.

 

 

Honte à toi qui la première

M'as appris la trahison,

Et d'horreur et de colère

M'a fait perdre la raison !

Honte à toi, femme à l'oeil sombre

Dont les funestes amours

Ont enseveli dans l'ombre

Mon printemps et mes beaux jours !

C'est ta voix, c'est ton sourire,

C'est ton regard corrupteur,

qui m'ont appris à maudire

Jusqu'au semblant du bonheur ;

C'est ta jeunesse et tes charmes

Qui m'ont fait désespérer,

Et si je doute des larmes,

C'est que je t'es vu pleurer,

Honte à toi ! j'étais encore

Aussi simple qu'enfant ;

 

Comme une fleur à l'aurore,

Mon coeur s'ouvrait en t'aimant.

Certes, ce coeur sans défense

Put sans peine être abusé ;

Mais lui laisser l'innocence

Etait encore plus aisé.

Honte à toi ! tu fus la mère

De mes premières douleurs,

Et tu fis de ma paupière

Jaillir la source des pleurs !

Elle coule, sois-en sûre,

Et rien ne la tarira ;

Elle sort de ma blessure

Qui jamais ne guérira ;

Mais dans cette source amère

Du moins je me laverai,

Et j'y laisserai, j'espère,

Ton souvenir abhorré !

 

La Muse.

Poète, c'est assez. Auprès d'une infidèle,

Quand ton illusion n'aurait duré qu'un jour,

N'outrage pas ce jour lorsque tu parles d'elle ;

Si tu veux être aimé, respecte ton amour.

Si l'effort est trop grand pour la faiblesse humaine

De pardonner des maux qui nous viennent d'autrui,

Epargne-toi du moins les tourments de la haine ;

A défaut du pardon, laisse venir l'oubli.

Les morts dorment en paix dans le sein de la terre ;

Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints.

Ces reliques du coeur ont aussi leur poussière ;

Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.

Pourquoi, dans ce récit d'une vie de souffrance,

Ne veux-tu voir qu'un rêve et qu'un amour trompé ?

Est-ce donc sans motif qu'agit la providence ?

Et crois-tu donc distrait le Dieu qui t'a frappé ?

Le coup dont tu te plains t'a préservé peut-être,

Enfant ; car c'est par là que ton coeur s'est ouvert.

L'homme est un apprenti, la douleur est son maître,

Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert.

C'est une dure loi, mais une loi suprême,

Vieille comme le monde et la fatalité,

Qu'il nous faut du malheur recevoir le baptême,

Et qu'à ce triste prix tout doit être acheté.

Les moissons pour mûrir ont besoin de rosée ;

Pour vivre et pour sentir, l'homme a besoin de pleurs ;

La joie a pour symbole une plante brisée,

Humide encor de pluie et couverte de fleurs.

Ne te disais-tu pas guéri de ta folie ?

N'es-tu pas jeune, heureux, partout le binevenu,

Et ces plaisirs légers qui font aimer la vie,

Si tu n'avais pleuré, quel cas en ferais-tu ?

Lorsqu'au déclin du jour, assis sur la bruyère,

Avec un vieil ami tu bois en liberté,

Dis-moi, d'aussi bon coeur lèverais-tu ton verre,

Si tu n'avais senti le prix de la gaîté ?

Aimerais-tu les fleurs, les prés et la verdure,

Les sonnets de Pétrarque et le chant des oiseaux,

Michel-Ange et les arts, Shakespeare et la nature,

si tu n'y retrouvais quelques anciens sanglots ?

Comprendrais-tu des cieux l'ineffable harmonie,

Le silence des nuits, le murmure des flots,

Si quelque part là-bas la fièvre et l'insomnie

Ne t'avaient fait songer à l'éternel repos ? ...

De quoi te plains-tu donc ? L'immortelle espérance

S'est retrempée en toi sous la main du malheur,

Pourquoi veux-tu haïr ta jeune expérience,

Et détester un mal qui t'a rendu meilleur ?

O mon enfant ! plains-la, cette belle infidèle,

Qui fit couler jadis les larmes de tes yeux ;

Plains-la ! c'est une femme, et Dieu t'a fait près d'elle,

Deviner, en souffrant, le secret des heureux.

Sa tâche fut pénible ; elle t'aimait peut-être ;

Mais le destin voulait qu'elle brisât ton coeur.

Elle savait la vie, et te l'a fait connaître ;

Une autre a recueilli le fruit de ta douleur.

Plains-la ! son triste amour a passé comme un songe ;

Elle a vu ta blessure et n'a pu la fermer.

Dans ses larmes, crois-moi, tout n'était pas mensonge.

Quand tout l'aurait été, plains-la ! tu sais aimer ...

 

Le poète.

Tu dis vrai : la haine est impie,

Et c'est un frisson plein d'horreur

Quand cette vipère assoupie

Se déroule dans notre coeur.

Ecoute-moi donc, ô déesse !

Et sois témoin de mon serment ;

Par les yeux bleus de ma maîtresse,

Et par l'azur du firmament ;

Par cette étincelle brillante

Qui de Vénus porte le nom,

Et comme une perle tremblante,

Scintille au loin sur l'horizon ;

Par la grandeur de la nature ;

Par la bonté du Créateur ;

Par la clarté tranquille et pure

De l'astre cher au voyageur ;

Par les herbes de la prairie,

Par les forêts, par les prés verts,

Par la puissance de la vie,

Par la sève de l'univers,

Je te bannis de ma mémoire,

Reste d'un amour insensé,

Mystérieuse et sombre histoire

Qui dormira dans le passé !

Et toi qui, jadis, d'une amie

Portas la forme et le doux nom,

L'instant suprême où je t'oublie

Doit être celui du pardon.

Pardonnons-nous ; je romps le charme

Qui nous unissait devant Dieu ;

Avcec la dernière larme

Reçois un éternel adieu.

- Et maintenant, blonde rêveuse,

Maintenant, Muse, à nos amours !

Dis-moi quelque chanson joyeuse,

Comme au premier temps des beaux jours.

Déjà la pelouse embaumée

Sent les approches du matin ;

Viens éveiller ma bien-aimée,

Et cueillir les fleurs du jardin.

Viens voir la nature immortelle

Sortir des voiles du sommeil ;

Nous allons renaître avec elle

Au premier rayon du soleil !

Alfred de Musset, publié en 1837

 

Alfred de Musset, 1810 - 1857, poète et dramaturge français

 

Plume-Geante-Litterature-Enfant-Ecrivant.55.jpg 

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Défi 126 , à la barre Jeanne Fadosi :      

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26 juin 2014 4 26 /06 /juin /2014 05:00

1er jeudi en poésie pour le défi n°126 des CROQUEURS DE MOTS piloté par votre moussaillon à vie Jeanne Fadosi.

Mon fil conducteur a été chaises. Libre à vous de garder votre liberté de choix

 

Les chaises

 

C'est une chaise qui a créé le monde :

au commencement, il n'y avait que des chaises.

Elles s'ennuyaient.

Faisons-nous un homme, dit une chaise,

un homme qui posera son séant sur notre siège,

qui s'appuiera contre notre dossier,

qui nous changera de place,

qui nous polira, nous cirera, nous caressera.

Cette chaise-là pensa l'homme si fortement que l'homme fut.

Et l'homme, enfant de la chaise, vit de plus en plus assis.

Géo Norge

 

Poème que j'avais découvert chez Jean-Pierre mes écrits vains

 

Géo Norge, 1898 - 1990, poète belge francophone

 

alignements-de-chaises-et-de-couleurs---reduc.JPG

 

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Défi 126 , à la barre Jeanne Fadosi :

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 05:00

Depuis les derniers réglages du moteur de la coquille par notre nouveau capitaine, voici le premier jeudi en poésie du défi n°125, sous le signe de la liberté par la nouvelle barreuse Eglantine.

thème libre et si l'on sèche, "les parfums divers et variés". Ca tombe bien : ma sélection valait pour l'ex-deuxième jeudi en poésie du défi n°124 sous le signe de la crémaillère avec dômi, la nouvelle animatrice des CROQUEURS DE MOTS. La semaine dernière se situait au moment de l'extinction du feu, avec la salamandre de Aloysius Bertrand.

 

Ce jeudi, si l'évocation de Verhaeren nous tranporte dans les sensations visuelles, vous pouvez aussi humer ce qui mijote dans la marmite ...

 

La cuisine

 

Au fond, la crémaillère avait son croc pendu, 

Le foyer scintillait comme une rouge flaque, 

Et ses flammes, mordant incessamment la plaque, 

Y rongeaient un sujet obscène en fer fondu.

 

Le feu s'éjouissait sous le manteau tendu 

Sur lui, comme l'auvent par-dessus la baraque, 

Dont les bibelots clairs, de bois, d'étain, de laque, 

Crépitaient moins aux yeux que le brasier tordu.

 

Les rayons s'échappaient comme un jet d'émeraudes, 

Et, ci et là, partout, donnaient des chiquenaudes 

De clarté vive aux brocs de verre, aux plats d'émail,

 

A voir sur tout relief tomber une étincelle, 

On eût dit - tant le feu s'émiettait par parcelle -

Qu'on vannait du soleil à travers un vitrail.

Émile VERHAEREN

 

Émile VERHAEREN, 1855 - 1916, poète belge flamand d'expression française      

Chambord-cuisine---reduc1.JPG

 

Dernière minute : vu la vacance prolongée de la prise de quart pour le défi n°126 et l'appel du pied que m'a fait Eglantine, j'ai courageusement offert mes services à dômi, qui les a accepté. A vos risques et périls sachant que je n'ai pas du tout le pied marin.

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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 05:00

 

Poésie du jeudi sous le signe de la crémaillère avec dômi, le nouveau commandant de bord des CROQUEURS DE MOTS à la barre en mer pour le défi n°124.

 

La salamandre

 

- " Grillon, mon ami, es-tu mort, que tu demeures sourd 

au bruit de mon sifflet, et aveugle à la lueur de 

l'incendie ? "

 

Et le grillon, quelque affectueuses que fussent les 

paroles de la salamandre, ne répondait point, soit qu'il 

dormît d'un magique sommeil, ou bien soit qu'il eût 

fantaisie de bouder.

 

" Oh ! chante-moi ta chanson de chaque soir dans ta 

logette de cendre et de suie, derrière la plaque de fer, 

écussonnée de trois fleurs-de-lys héraldiques ! "

 

Mais le grillon ne répondait point encore, et la salamandre

éplorée, tantôt écoutait si ce n'était pas sa voix, tantôt

bourdonnait avec la flamme aux changeantes couleurs rose,

bleue, rouge, jaune, blanche et violette.

 

- " Il est mort, il est mort, le grillon mon ami ! " - Et 

j'entendais comme des soupirs et des sanglots, tandis que 

la flamme, livide maintenant, décroissait dans le foyer 

attristé.

 

- " Il est mort ! Et puisqu'il est mort, je veux mourir ! " 

- Les branches de sarment étaient consumées, la flamme se 

traîna sur la braise en jetant son adieu à la crémaillère, 

et la salamandre mourut d'inanition.

Aloysius BERTRAND, Gaspard de la nuit, Livre III - La nuit et ses prestiges, 1ère édition à titre posthume, 1842

 

A_salamander_unharmed_in_the_fire.jpg

salamandre dans le feu, illustration du XIVe siècle

 

Aloysius BERTRAND, poète, journaliste et dramtaturge français, 1807 - 1841, initiateur de la poésie en prose

salamandre commune ou salamandre de feu, animal de la famille des amphibiens comme la grenouille, le crapaud ou le triton

salamandre, marque de fabrique (1889) d'un poële en fonte à combustion lente commercialisé de 1883 à 1953

salamandre (animal légendaire) réputé vivre dans le feu et mourir quand celui-ci s'éteint. 

 

 

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