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14 janvier 2013 1 14 /01 /janvier /2013 10:00

 

Pour Mile et Une sur le tableau de Vermeer, La laitière

 

Modernes servitudes

 

Dans les urgents ... voyons : une campagne par affichage avec consignes.

hum ! chercher un tableau genre scène champêtre au XVIIIe siècle, bocage et collines. Un paysage normand en somme, des vaches pendant qu'on y est tiens ! 

Les faire rire, c'est déjà pris. L'une pourrait brouter une marguerite. Tout le monde connait la chanson de Brassens.

Et c'est pour quand, Marie, cette commande ?

- Ils veulent un projet pour lundi.

- Ah la vache ! j'ai promis un week end en famille ... bon Marie, vous me préparez le dossier comme d'habitude ? client Chambourcy, produit, un simple yaourt, ah si ! en pot de verre consigné ! En voilà une idée moderne ! les comptables vont s'arracher les cheveux avec les petits jeunes qui ne savent plus que le b a ba de la comptabilité.

On ne va pas y passer quinze ans à trouver la pub pour le produit du siècle ... J'ai promis d'aller en Hollande.

Ah, Marie, cherchez-moi aussi les horaires de l'exposition "La lumière chez les maîtres de la peinture hollandaise" au Rijksmuseum Amsterdam.

Les moulins et les tulipes c'est bien beau, mais si les enfants n'ont pas leur heure de culture, ma femme va m'arracher les yeux.

Quoi, Marie ? Vous n'êtes pas payée pour ça ?

"Assistante de direction", ça veut dire assister son boss ! compris ? Avec votre mentalité de midinette, ce n'est pas au pool des dactylos que vous allez retourner, c'est à l'atelier des perfo-vérifs !

Quelle perle, ma femme, quand elle était à votre place, elle devinait, anticipait, ...

Mais non ! elle ne va pas revenir travailler ! les enfants ont besoin de leur mère ...

Allez Marie, cette revue d'art que vous avez acheté au kiosque hier soir ... Cela ne vous prendra qu'une minute.

Que dites-vous ? l'exposition ne commence qu'en mai ? La laitière ? C'est le nom d'un tableau de Vermeer ? Montrez ?

C'est l'idée qu'il nous faut ! l'idée du siècle ! Vous êtes une perle Marie, je ne vous le dis pas assez ...

Vous me mettez tout ça au net, je file au déjeuner des boss.

A toute à l'heure pour notre cinq à sept ?

 

ps, pendant que son patron partait, Marie feuilletait sa revue en ruminant sur ce qui était davantage une injonction qu'une question en contemplant un autre tableau qui aurait pu faire l'affaire.

Quoique ...

793px-Femme_et_vaches_par_l-eau_Julien_Dupre.jpg

Julien Dupré, 1851 - 1910,  Femme et vaches par l'eau, huile sur toile 

source wikipedia, clic sur l'image pour informations

 

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22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 19:00

 

Pour Mil et Une, sur une peinture de Deborah Van Auten : Violoncelliste

"chantre
Et l'unique cordeau des trompettes marines"1
 
L'inspiration avait jailli sans analyse : de l'art brut. Guillaume était loin de soupçonner que son poème serait tant disséqué et commenté.
Quelle merveille ce concert ! Il avait bien fait d'accepter l'invitation et d'affronter la neige si loin de Paris2. Il en ferait un bon papier pour "Le Journal"3.
Quel équilibre entre le chant grégorien4 de la première partie, suivi de la voix envoutante de haute-contre4 scandé par l'étrange monocorde5 pour enfin laisser libre cours à ce merveilleux quattor de violes6. Une moment rare autour d'une musique et d'instruments oubliés que seul un mélomane fortuné avait pu faire programmer. Un trait de génie et du courage en ces temps intolérants. L'une des basses était caressée par l'archet d'une musicienne7. Oui, une femme, jeune et rayonnante dans sa longue robe noire ! Les sons divins qu'elle produisait étaient en parfaite harmonie avec la musique de ses pairs.
Avant qu'ils ne s'éclipsent pour ne pas la croiser, les instruments avaient été mis en place par les frères, dont le chantre. Il n'avait pas résisté à l'envie d'égrener quelques notes sur l'imposant instrument.
Guillaume se souvenait avoir alors fermé les yeux et avoir imaginé le moine, pieds nus sur le sable d'une plage8, vers le phare de Cordouan.
De la trompette mariale5 à la viole de Gambe6, il y avait quelques cordes en plus et des rondeurs sensuelles.
En cette période de creux et de marronniers9, son article était bien paru comme prévu. Discrètement dans les pages culturelles, entre l'annonce d'une exposition de Picasso10 et le menu du réveillon au Moulin de la galette11 ... Tronqué à partir de l'évocation du moine-musicien sur la plage jusqu'à sa conclusion en forme de monostiche12.
Il fit la grimace. Gain de place nécessaire ou censure de l'audace ?
 
Femme
Et l'arpège13 subtil de la viole d'Orphée14
 
Jeanne Fadosi pour Mil et Une
NB : Tout est inventé, hormis, au début du texte, la citation entre guillemets du monostiche de Guillaume Apollinaire en ouverture de son recueil Alcools, même si j’ai pris soin de rendre plausible cet évènement imaginaire.

 

1.- de Guillaume apollinaire, "Chantre", poème introductif du recueil Alcools, paru en 1913 (regroupant son travail poétique depuis 1898)

2.- Le lieu auquel je pense est l'Abbaye de Royaumont, rachetée en 1905 par la famille Gouin qui avait déjà acquis une partie du Domaine, J'imagine cet évènement culturel organisé peu de temps après cette acquisition, en clin d'oeil au Centre culturel qu'il va dévenir sous l'impulsion des descendants au moment du Front Populaire, la famille y a en effet des travaux pour en faire le  « Foyer de Royaumont, lieu de travail et de repos pour artistes et intellectuels ».

3.- Le Journal, journal quotidien français  créé en 1892 se veut populaire par son aspect bon marché (un sou) et à contenu culturel. José-Maria de Hérédia en fut le directeur littéraire de 1899 à 1905. En 1911, la ligne éditoriale connait un virage conservateur et nationaliste.

4.- Le Chant grégorien, chant traditionnel de la litturgie catholique romaine en latin se chante en choeur (d'hommes ou de femmes) à l'unisson ou en solo par un chantre et a capella c'est-à-dire sans aucun accompagnement instrumental. L'Abbaye de Solesmes est le principal lieu de conservation et de restauration du chant grégorien.

Indépendemment de son usage lithurgique, le chant grégorien est aujourd'hui apprécié pour sa qualité esthétique et de nombreux ensebles vocaux se produisent en concert dans le monde entier. Certains groupes modernes s'en inspirent tels Gregorian ou le groupe luxembourgeois Enigma (gregorien-pop)

4 (bis).- Haute-contre, voix masculine à la tessiture très aiguë

5.- une trompette marine (ou trompette mariale) contrairement à ce que fait penser son nom, n'est ni une trompette ni un instrument pour les marins mais un un instrument baroque à corde unique joué autrefois dans les couvents pour célébrer la "vierge mariale ou marine"

6.- La viole de gambe (pour violes de jambes) est un instrument à cordes et à frettes joué avec un archet. Instrument noble, alors que le violon était populaire, celui-ci, en se raffinant le détrona à partir du XVIIème siècle.

7.- Longtemps les femmes comme dans bien d'autres domaines, ont été maintenues en retrait de la musique. (voir le site les femmes et la musique) elles jouaient du piano, du clavecin, de la harpe ou de l'orgue. Mais à la fin du XIX e et au début du XXE siècle, les conservatoires de musique sont ouverts aux élèves des deux sexes et les femmes vont rafler les premiers prix.

8.- clin d'oeil au festival Violon sur le sable, de Royan, tous les étés au mois de juillet depuis 25 ans.

9.- Un marronnier, dans le vocabulaire des journalistes, est un sujet de faible importance revenant de façon récurrente et servant à meubler en période de creux, ce qui pouvait être la fonction d'un article sur un concert de prestige à l'occasion des fêtes de fin d'année.

10.- Picasso, 1881 - 1973, artiste peintre, s'est installé à Paris au début du siècle et commence à conaître une renommée dès le début.

11.- Le Moulin de la Galette, à Montmartre, peint par de nombreux peintres dont Picasso, Utrillo, ... était depuis le XIXe siècle un bal-guinguette populaire. C'est un restaurant depuis le début des années 1980.

12.- Un monostiche ou monostique est un poème en un seul vers (initialement un alexandrin). Le monostiche qui conclue ce texte est de mon cru, à la manière de celui de Guillaume Apollinaire.

13.- Un arpège est une suite de notes formant un accord mais égrenées successivement

14.- la viole d'Orphée est un hybride entre la viole basse de gambe et le violoncelle, créé par Michel Corette vers la fin du XVIIIe siècle pour relancer les violes qui commençaient à être supplantées par la famille des violons et violoncelles.

Orphée est un héros grec de la mythologie associé à la musique

 

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 17:00

 

Pour Mil et Une, sur un tableau de Carolus Duran, le baiser. 

Pour garder le sel de ce petit texte, je vous invite à  le lire avant de découvrir l'image qui nous a été proposée.

 

Ca dure depuis des heures ! Franchement, j'avais rêvé d'une autre nuit de noces. J'ai des fourmis dans la jambe gauche et ma nuque en extension souffre mille piqures d'aiguilles ... Je vais sûrement avoir un torticolis avec ce froid qui tombe dessus. Heureusement qu'il m'a déposé sur ces énormes coussins de satin ; moelleux et soyeux je le reconnais. Noirs ! quelle idée. Et ce miroir contre lequel tout mon côté droit est comprimé. Le contact en est dur et glacé. aucun risque que je change de position.

Que peut-il y apercevoir ? A part mon dos et son propre reflet ?

Tout de même, m'emmener directement dans la pièce dédiée à sa maîtresse à la sortie de la cérémonie ! Je savais qu'il faudrait composer avec cette rivale redoutable. Mais à ce point !

Pas la moindre caresse, le moindre signe de tendresse, pas même un doux baiser. Rien ! Concentré sur sa tâche, appliqué, besogneux, il ne m'a accordé aucun répit.

 

- continues de sourire, ordonne-t-il d'un ton sec.

 

Il en a de bonnes ! Mon corps n'est plus qu'une contracture. Et la lune, pleine et ronde, cette félonne, n'a même pas autorisé la nuit à venir à mon secours.

Enfin son visage se détend, il prend un peu de recul, m'autorise à quitter ma pose. Facile à dire ! Maintenant que je peux me déplier, une crampe au mollet s'invite au milieu des fourmillements.

Quand je peux enfin faire quelques pas pour le rejoindre, je découvre avec stupeur ce baiser d'Epinal dont je rêvais ce tantôt à la mairie.

J'entends déjà les cris d'admiration et les compliments de dupes.

 

-Oh ! très chère ! Quelle chance inouïe d'être aussi bien aimée !

Jeanne Fadosi, lundi 26 novembre 2012, pour Mil et Une

 

Carolus Duran, artiste peintre, 1837 - 1917

Le baiser, de Carolus Duran, 1868. Explications sous la miniature du tableau dans la galerie en bas de la page de wikipedia sur Carolus Duran

Un article intéressant sur ce peintre dans La Tribune de l'art

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16 novembre 2012 5 16 /11 /novembre /2012 11:00

 

Pour Mil et Une et l'illustration de la première quinzaine de novembre 2012

 

Le sujet nouveau est arrivé ...(deuxième quinzaine de novembre)

 

 

En classe de patrimoine1

J'ai suivi les flèches, franchi l'arrière cour, monté l'escalier aux murs clairs. La maitresse des lieux vient m'accueillir, comme elle le fait à chaque petit groupe de curieux. Elle a déjà invité à prendre place derrière les pupitres. Comme dans toutes les classes, le rang du fond a été occupé en premier. Je me glisse à l'avant dernier, du côté des fenêtres, sans oser la place près du radiateur. Je suis arrivée trop tôt pour éviter les discours et ce rôle de figurant. L'échotier local circule dans les travées, son réflex prêt à l'emploi. Les autres élèves improvisés pensent-ils comme moi que nous serons peut-être dans la gazette ou le parisien, si l'une des photos est bonne et l'actualité peu fournie ? Ou que nous rejoindrons les images d'archives de la classe, entre le Press-book d' Un village français et celui du Petit Nicolas ?

Côte à côte, une blondinette et son grand-père, une pré-adolescente et sa maman, un jeune garçon et son papa, d'anciens élèves de tous âges ...

Quelqu'un résume en quelques phrases, est-ce possible ? l'histoire de cette classe, venue demander l'hospitalité pour donner de l'espace au musée de l'éducation de Saint Ouen l'Aumône2.

Sur ma table, un cahier du jour bien tenu. Une bonne élève assurément.Je le feuillette avec la délicatesse et la précaution exigée d'un objet précieux et fragile. Au-dessus du tableau les cartes de la France, avec ses départements et ses chefs-lieux, ses fleuves et ses reliefs, une planche anatomique. Sur une étagère, un grand compas et une équerre et un rapporteur en bois jaune. Sur le côté, l'armoire aux curiosités pour les leçons de choses.

Une main adroite a tracé à la craie au tableau, en pleins et déliés, la morale d'un jour ancien. Je me demande qui a choisi celle-ci et pourquoi.

Après la "leçon", vient le tour des questions et témoignages. Comme dans toutes les classes, personne n'ose prendre la parole en premier. Un doigt timide se lève. Les langues se délient. On évoque les cours de puériculture et d'art ménager pour les filles, de jardinage, de menuiserie, de plomberie, d'électricité pour les garçons, la non-mixité des écoles dont s'étonnent les plus jeunes sur les bancs, la belle écriture et la bonne orthographe d'autrefois (hem ...), l'ardoise pour le calcul mental, les distributions de lait ou les berlingots de sirop vitaminé. Les cent lignes à copier pendant la récré, les châtiments corporels. 

Un flot de souvenirs rompt les digues. Les paroles se superposent. Leur sens s'estompe en aparté de gamins dissipés aux têtes chenues. Comme dans toutes les classes, en somme. Ont-ils seulement écouté la fierté de la jeunette révélant du bout des lèvres qu'elle joue les utilités dans le film Le petit Nicolas ?

J'en profite pour m'éclipser avec d'autres et les laisser à l'aigreur de leurs vieilles rancœurs. Ne se souviennent-ils que des jours gris ? 

Dehors, un soleil de fin d'été éclabousse joyeusement ma figure comme au temps fertile de mes années d'école.

Jeanne Fadosi, pour Mil et Une, 13 novembre 2012

 

classe-du-musee-de-l-education-du-Val-d-Oise.JPG

(photo MEVO musée de l'éducation du val d'Oise)

 

1.- d'après mes souvenirs et notes lors des dernières journées du patrimoine

2.- Un village français est une série télévisée de France3 dont la première saison a été tournée en partie à Magny en vexin et dans l'école et la classe du MEVO de même que le film adapté de la célèbre série littéraire de Goscinny et Sempé le Petit Nicolas

3.- le Musée de l'éducation du val d'Oise a été décidé en 1982 et inauguré en 1986 pour abriter les collections réunies notamment lors du centenaire de l'école est hébergé dans une ancienne école publique de saint Ouen l'Aumône, bâtie en 1903.

La classe reconstituée a été transférée dans une ancienne école de Magny en Vexin, afin de donner de la place au musée pour agrandir ses collections.

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 23:00

Pour Mil et Une, sur une aquarelle de Edward Hopper : Le phare de two lights (cap Elisabeth, près de Portland, Maine, Etats-Unis)

hopper.light-2-lights.jpg

 

Elle était charmante, sa logeuse. Envahissante, mais charmante.

Une présence chaleureuse dans cette ville où il venait de débarquer avec l'impatience et la naïveté de la jeunesse. Il s'attendait à la grande ville et il découvrait une petite ville provinciale.

Préférer les Etats-Unis,  un challenge téméraire quand ses potes avaient choisi la sécurité de la vieille Europe et le programme ERASMUS.

 

Il n'en revenait pas d'avoir été admis au Bowdoin College  pour cet emploi de répétiteur en français. Là même où avait étudié le poète Henry Wadsworth Longfellow. Le salaire l'obligerait à compter la moindre dépense. Mais les vingt heures de vacations par semaine lui laisseraient du temps pour approfondir ses études en littérature comparée.

Le loyer de sa chambre était dérisoire pour un confort acceptable. Peintures écaillées mais salle de bains et wc individuels. Il devait juste lui rendre de menus services dont l'essentiel était de lui apporter une compagnie dans le morne de ses vieux jours. Il pouvait même utiliser la voiture de feu son époux.

 

- Avez-vous le permis de conduire ?

- euh ... oui.

- Parfait,  vous pourrez m'emmener faire quelques courses de temps en temps et des promenades le dimanche. J'ai gardé la voiture, vous savez. J'ai le permis de conduire, mais c'était toujours mon mari qui conduisait. Je ne me vois pas reprendre le volant après toutes ces années ...

 

Elle était émouvante avec ces enthousiasmes de jeune fille devant les paysages sauvages. Mais ce jour-là, pour son premier dimanche dans le nouveau monde, à défaut de Boston, trop éloignée, il aurait préféré explorer Portland, la grande ville du Maine. Ou mieux,réviser les notes qu'il avait prises avant de partir  sur les poètes américains, et sur la poésie amérindienne ou d'inspiration amérindienne. 

 

C'était l'équinoxe et ses grandes marées. Le vent âpre le traversait jusqu'aux os. Les embruns lui piquait les yeux. Où était la magie qui avait illuminé l'aquarelle d'Edouard Hopper ? Il s'y reconnaissait, sur ce promontoire, certes. Quelle idée de le lui faire découvrir par ce temps ? Il rêvait de dépaysement et les rares promeneurs parlaient français autour d'eux. Des touristes ? Les yeux de la vieille dame souriaient. 

 

- Vous savez jeune homme, ici, c'est le sud de l'Acadie. vous voyez l'île la-bas ? Des français l'ont occupé en premier, comme une bonne partie de la côte jusqu'à la frontière. Mais j'y pense, vous avez froid peut-être ? Nous irons nous réchauffer dans un salon de thé. En attendant, asseyez-vous près de moi. C'est sur un banc comme celui-ci que votre poète a noirci bien des pages. Avant de le disséquer, venez plutôt vous imprégner de ce qui le faisait vibrer ...

 

Vaincu ! d'un sourire malicieux. L'érudition de sa logeuse, il l'avait  vite découvert. Mais là, en même temps que la confiance qu'elle lui accordait, c'était une magistrale leçon d'intelligence du coeur qu'elle venait de lui donner, l'air de rien.

Jeanne Fadosi, fini dimanche 28 octobre 2012, pour Mil et Une.

 

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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 09:00

 

sur une peinture de Sixte proposée par Mil et Une pour la deuxième quinzaine de septembre.

Où avais-je la tête au début d'octobre ? ce billet était resté dans mes brouillons !

 

Il se souvenait bien de ce moment-là. Il avait troqué ses pinceaux pour un crayon, le plus silencieusement possible, pour ne pas rompre le charme de l'instant. 

 

Quelques croquis à grands traits, des mots pour les couleurs, une photo ; comme celle qu'il prenait à la fin de chaque séance.

Au déclic, le chien a dressé ses oreilles. La vieille dame a souri sans surprise.

- Il va falloir rentrer.

- Oh, pardon, Madame, non, ce n'est pas l'heure !

- Sans doute, mais il faut se mettre à l'abri.

L'horizon qu'elle lui désignait avait le même bleu insolent. Il y avait bien ce trait indigo, juste au dessus de la mer.

- Allez, jeune homme, avec tout votre attirail, il n'y a pas de temps à perdre.

Une rafale souleva un tourbillon de poussière.

Il n'avait donc pas perçu l'air étrangement immobile ?

Le chien, cette fois, s'ébroua et détala en direction du castel.

Sur la plage, en contre-bas, des habitués pliaient leur installation en toute hâte, devant l'air ébahi et ironique des vacanciers. Quelques-uns pourtant les imitaient.

Son oeil de peintre a perçu l'épaisseur du trait de l'horizon, plus net à sa base, semblant se dissoudre en gagnant de la hauteur.

Ils sont remontés cahin-caha, sa toile et ses peintures d'un côté, son chevalet sur son dos, elle, s'accrochant à son bras libre en trottinant.

Le personnel de la pension de famille est venu à leur rencontre pour les aider et les premières gouttes s'écrasèrent lourdement lorsqu'ils atteignaient la terrasse.

Le seuil à peine franchi laissait libre cours au déchainement d'un orage qui a duré la fin du jour et toute la nuit.

 

Sur le banc, la vieille dame semblait lire la même page depuis des heures.

Il lui semblait que ce qu'il ajouterait au tableau ne l'améliorerait plus.

Une peinture n'est jamais finie. Mais il faut savoir le décider malgré tout.

Il fit deux pas en arrière pour apprécier l'effet d'ensemble.

- Comment aviez-vous deviné ? lui demanda-t-il, flottant dans ce souvenir entre deux instants.

- Je n'ai rien deviné du tout. Les oiseaux et les cigales l'ont juste compris avant moi. J'ai entendu le silence des cigales, comme ils avaient perçu celui des frondaisons.

Peut-être la lumière aussi, qui a faibli.

- Vraiment ?

- vraiment ! et vous n'avez pas remarqué la chaleur.

- Il faisait plus chaud ?

- non

- moins chaud ?

- non plus. Mais ... comment dire, elle n'avait pas la même qualité.

Moins brillante, plus diffuse, moins enveloppante et plus envahissante ...

Il l'écoutait chercher les mots hésitants à poser sur les sensations qu'il essayait de mettre dans sa peinture.

Il était à peu près satisfait de sa toile. qu'allait-elle en penser ?

Et soudain, il comprit pourquoi la vieille dame ne pourrait pas le lui dire.

Jeanne Fadosi, pour miletune, 28 septembre 2012

 

 

le portrait de Sixte est présenté comme la leçon au soleil

 

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1 septembre 2012 6 01 /09 /septembre /2012 08:00

 

Ce texte est republié pour  Mil et Une

J'aurais bien aimé écrire un texte inédit pour le thème de la quinzaine d'août qui vient de s'achever . D'autant plus que ce n'est pas une mais deux naissances toutes neuves qui sont venues élargir la nouvelle génération, celle de mes arrières neveux et nièces. Mes distractions m'ont détourné plus que je le pensais de ce blog. Aussi, sur le fil du 31 du mois d'août, j'ai recyclé cette fantaisie écrite pour la cour de récré de JB :

 

Théodora si c'est une fille.

 

Filémon, souviens-t-en naguère,

Devant un certain nouveau-né,

A murmuré à sa bergère

- Je veux  avec toi pouponner.

Elle a pris son plus beau sourire

Pour éclairer son doux visage

Et lui dit - c'est avec plaisir

Qu'une naissance j'envisage.

D'ici quelques brèves semaines,

Tu verras bien dessous mon sein

S'arrondir enfin ma bedaine ;

C'est maintenant plus qu'un dessein.

Inutile de les espérer

Ni dans les choux ni dans les roses :

Dans mon giron elle est nichée,

D'ici neuf mois sera éclose.

- Elle ? le brave berger murmura !

- Certes, je n'en sais rien encore ...

Bénie des dieux, Théodora,

Sinon Il sera Théodore.

Jeanne Fadosi, mardi 24 janvier 2012

 Joaquin-Sorolla-Mother-1895.jpg

Joaquim Sorolla, Mother, 1895    

 

Je dédie ce poème aux derniers nés de ma famille, arrières petits neveux et nièces, deux d'entre eux ont juste quelques jours, et à leurs heureux parents et à leurs grand-parents complètement gagas de ces petites graines d'espérance.    

 

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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 17:30

Réédition pour Mil et Une de Jeux de la vie, la vie en jeu ... publié initialement pour le thème de la semaine animé par Dana, la communauté ancêtre du casse-tête de la semaine.

 

Jeux de la vie ...

 

L'enfant a pris les allumettes

A côté des cigarettes

Il voulait faire un feu de joie

Avec quelques bouts de bois

 

On ne joue pas avec le feu

A dit le père

 

L'ado a pris deux cigarettes

Discrètement sous sa manchette

Il voulait tirer des bouffées

Avec ses potes à la récré

 

Ne joue pas avec ta santé

A dit la mère

 

Le facteur a porté hier

Au jeune son livret militaire

Dans les rues soudain la colère

Les conscrits ne veulent pas la faire

 

On ne joue pas à la guerre

A dit l'enfant

                                    Jeanne Fadosi, 20 juillet 2009

 

soldat de pion devant ordi - reduc

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 06:00

Texte inspiré par la photo de miletune un peu en prolongement du prénom de ce mercredi Damon, le chiffonnier

77a-pour-milletune.jpg

Allongé dans la lumière du midi, il ressemble à un vacancier posé sur ce banc. Si ce n'est la petite voiture à bras. Il l'a laissé un peu plus loin, hors champ, mais 

à portée de son regard. C'est son seul bien, avec sa besace. Alors, il ne la perd jamais de vue.

 

Envie d'une pause sous ce soleil carnassier. Il a vu le banc libre, aucun garde ni chaisière alentours. Quelques instants dans la fontaine. Fraîcheur bienfaisante. Ah vous pensiez que c'était pour se nettoyer les pieds ?

 

Il aurait bien aimé s'allonger sur l'herbe. C'est ce qui lui est le plus familier. Mais dans ce lieu du ban des villes, même si l'oeil ne le voit pas immédiatement, l'herbe est sale. Oui sale des pluies acides ; sale des pipis des chiens et des chats. Sale des crachats et des trop-plein de canettes ...

 

Et surtout, surtout, c'est un gigantesque cendrier plein de mégots.

 

Le chemineau regrette d'avoir emboîté le pas de son père. Il lui avait fait miroiter une vie, chiche c'est vrai, il ne l'avait pas trompé là-dessus, mais aussi une vie libre, et proche d'une nature encore accessible.

 

La nature accessible, ce n'est plus que ces terrains laissés à l'abandon ou, par chance, tranformés en espaces verts avec d'immenses pelouses et quelques bancs.

 

Les prés ont disparus avec les haies, les champs, cultivés, le plus souvent interdits aux promeneurs, et avec quelle énergie ! Alors les gens de son espèce pensez donc ! les chemins trop souvent se perdent dans des labours abusifs.

 

Son métier n'est plus ce qu'il était ! La ville n'en finit plus de coloniser la campagne dans un entre-deux indéfinissable. Impossible de faire du porte-à-porte dans ces nouveaux immeubles dressés en barres immenses, voire en tours à l'assaut du ciel. Leurs habitants, de toutes façons n'ont pas eu le temps d'accumuler de vieilleries.

 

Les villageois et les fermes isolées de maintenant lui sont moins accueillants. Heureusement, il y a les vieilles connaissances et leurs enfants qui l'accueillent encore joyeusement.

 

Il a fouillé dans les nippes et trouvé cette chemisette. C'est vrai, le col est bien rapé, mais elle fera encore l'affaire.

 

Ce magazine est de l'année dernière, tiens,il y a un feuilleton sur les chemineaux. Et plusieurs numéros qui se suivent. Voyons voir comment ils se figurent notre vie ces écriveux.

 

Ce que le journal livre par épisodes, c'est un ancien roman de la comtesse de Ségur "Diloy le chemineau". La pile comprend la série qui lui permettra de suivre l'histoire. Enfin, avec quelques trous. Mais la chaleur et la fatigue l'écrasent trop. Sea paupières sont si lourdes. Tant pis pour le cadre de la photo, il se lève, déplie sa carcasse rouillée, rapproche la charette pour l'avoir tout près de lui. Dispute le banc à deux pigeons.

 

Maintenant, il peut se laisser aller à dormir. toujours d'un oeil. Il pourrait, en ces heures écrasantes, baisser la garde ... Personne ne s'aventurera comme lui dans cette chaleur avant les premières heures du soir. 

 

C'est là tout le paradoxe, il n'y a personne pour le lui dire.

Jeanne Fadosi, jeudi 7 juin 2012 pour miletune


the-vagabond-1845 Gustave courbet

Le chemineau, Gustave Courbet, 1845

musée de Dole Jura

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 Ephéméride de ce jour

 

et chaque jour

je n'oublie pas Anne-Sophie

les yeux dAnne-sophie

et ses compagnes d'infortune :

145 en 2010 ; 122 en 2011 ; 148 en 2012 ; 121 en 2013 ; 118 en 2014 ; 122 en 2015 ; 123 en 2016 et en 2017 ; 121 au moins en 2018 ; 150 en 2019 (au moins 122 confirmés)

(clic sur son regard pour comprendre ... un peu)

 

Profitez des instants de la vie :

le temps s'écoule à sa cadence,

trop vite ou trop lentement,

sans retour possible

N'oubliez pas que

"Tous les matins du monde sont sans retour"

Métiers improbables

TheBookEdition - Les anthologies Ephémères

La 6ème anthologie est parue en mai

Informations sur 

 Les anthologies éphémères