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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 05:00

 

"Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour"

Arthur Rimbaud, Les Assis, 1871

 

Incontournable choix pour continuer et accompagner les réflexions qu'ont soulevées la lecture des propos de Bernard Pivot sur "vieillir" voir ICI et suivre les à suivre ...

 

Poème à lire en écoutant Léo Ferré si le coeur vous en dit après avoir écouté cet entre deux mis dans les deux premières minutes de ce clip

 

Arthur Rimbaud n'a pas 17 ans quand il écrit ce poème contre ceux qu'il pense être tous les empêcheurs de vivre.

Un cri de révolte adolescente, un refus de vieillir qu'il voit telle une sclérose, un racornissement.

 

Les Assis

 

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues

Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,

Le sinciput plaqué de hargnosités vagues

Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;

 

Ils ont greffé dans des amours épileptiques

Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs

De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques

S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !

 

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,

Sentant les soleils vifs percaliser leur peau,

Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,

Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

 

Et les Sièges leur ont des bontés : culottée

De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;

L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée

Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.

 

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,

Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,

S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,

Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.

 

- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...

Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,

Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !

Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

 

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,

Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,

Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves

Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !

 

Puis ils ont une main invisible qui tue :

Au retour, leur regard filtre ce venin noir

Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,

Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

 

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,

Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever

Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales

Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.

 

Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières,

Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,

De vrais petits amours de chaises en lisière

Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

 

Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule

Les bercent, le long des calices accroupis

Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules

- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.

Arthur Rimbaud, printemps 1871

 

* les Assis qu'évoque A. Rimbaud sont entre autre des collégiens comme lui qui fréquentent la même bibliothèque où il se réfugie alors qu'il a encore fugué pour refuser de réintégrer son collège et qui ont renoncé à échapper à la sclérose du vieillir.

Pour un début d'explication de texte voir ICI

 

Arthur Rimbaud, poète français précoce puis aventurier et écrivain épistolaire, 1854 - 1891

empreinte-de-dix-doigts-en-deux-mains---rd.jpg

cinq (5) doigts plus (+) cinq (5) doigts égalent (=dix doigts

.

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commentaires

Q
Je le connaissais... même s'il est un peu long au regard de mon retard accumulé, j'ai aimé le relire chez toi.<br /> <br /> Il était très mûr pour son âge.<br /> <br /> Une réflexion m'est venue en te lisant... Vieillir, est-ce se résigner ?<br /> <br /> Passe une douce soirée. Bises.
Répondre
J
<br /> <br /> c'est vrai qu'il est long. Et désespéré et désespérant ... Etait-il si mûr ? Je pense qu'il s'agit d'autre chose. C'est quoi d'ailleurs, être mûr. Je n'ai pas de réponse bien claire là-dessus.<br /> <br /> <br /> Quant à se résigner ... Je crains là aussi d'être capable de te dire tout et son contraire dans une même phrase. Mais je te réponds en partie dans Vieillir vos échos aussi<br /> <br /> <br /> Bises et belle fin de soirée<br /> <br /> <br /> <br />
F
et sur les bancs des écoles on a usé nos fonds de culottes c'était le bon vieux tps
Répondre
J
<br /> <br /> les souvenirs d'école, les miens sont bons dans l'ensemble, mais je pense qu'ils ne le sont pas pour tous les écoliers d'antan comme de maintenant<br /> <br /> <br /> <br />
P
Je ne connaissais ce texte, merci Bel après midi Bises
Répondre
J
<br /> <br /> Trop long et difficile pour être abordé en classe du moins en dehors des spécialités littéraires. Je ne l'ai découvert que bien plus tard moi aussi. et je ne m'en souvenais plus. Je l'ai<br /> redécouvert à l'occasion de mes recherche pour illustrer le dix en poésie.<br /> <br /> <br /> bises et belle semaine<br /> <br /> <br /> <br />
R
Bonjour Jeanne<br /> J'ai relu avec plaisir "les assis" d'Arthur Rimbaud et merci pour l'explication de ce texte
Répondre
J
<br /> <br /> merci aux moteurs de recherche qui permettent ces mises à disposition. quand je pense aux heures passées, étudiante, dans les rayons des bibliothèques universitaires pour quelquefois de maigres<br /> récoltes ...<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonjour Jeanne... Je découvre et merci pour les explications du poème... Bizz jill
Répondre
J
<br /> <br /> long et difficile et heureusement que sur le site il y a un glossaire. Que de néologismes ... jeune, enfant prodige, et grisé par la virtuosité Arthur !<br /> <br /> <br /> <br />

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