Avec le mot Résistance, enriqueta ouvre grand les portes de l'expression pour ce défi n°139 des CROQUEURS DE MOTS en précisant en fin de présentation : " Toutes les résistances, de toute nature, de tout lieu et de toute époque sont acceptées pour ce défi."
Passée la tentation de s'en tenir à la Résistance avec un R majuscule, nom propre qui désigne (sic le dictionnaire wiktionnaire) "Ensemble des mouvements et réseaux clandestins qui durant la Seconde Guerre mondiale ont poursuivi la lutte contre l'Axe et ses relais collaborationnistes sur le territoire français depuis l'armistice du 22 juin 1940 jusqu’à la Libération en 1944." le nom commun offre un nombre étonnament grand de polysémies, des sciences dures au vivre ensemble ... ou pas.
Des sens qui relèvent tous, dans des champs sémantiques très différents, de la "qualité" (encore un nom qui prête à toutes les confusions) de qui ou quoi s'oppose avec plus ou moins d'efficacité à l'action d'un autre (humain, animal, groupe, objet etc). Autrement dit et pour simplifier à l'excès, la résistance qualifie l'attitude de forces qui se confrontent.
Quelquefois aussi, à l'instar de la définition de la Résistance avec un R majuscule, le nom résistance glisse vers le dispositif qui permet la ou les actions de résistance.
Je m'en tiendrai à la résistance électrique, qui dans mon souvenir d'enfant, désignait le joli ressort du radiateur d'appoint qui rougeoyait dans la nuit et celles du grille pain ou du four, bien avant mes premières notions d'électricité. J'aurais pu alors y ajouter les diodes ou les transistors du poste de TSF, et même le joli filament blanc des ampoules électriques qui un jour finissait par casser. Et plus tard, les circuits imprimés puis les puces électroniques de plus en plus miniaturisées qui permettent ou non le passage du courant électrique.
J'aurais sans doute, avide d'apprendre sur l'électricité, alors que mon père, électricien, m'en tenait à distance sans explications, comme mes soeurs, mais non mes frères, j'aurais pu apprécier les cours de physique de seconde, mes premiers cours puisque j'avais pris une voie d'études classiques, si le programme avait commencé par là.
Au lieu de cela, l'étude a d'abord porté sur les forces mécaniques et leurs oppositions. Allez savoir pourquoi dès lors mes neurones ont opposé une telle force de résistance à l'apprentissage de la physique !
J'aurais pu laisser mes pensées vagabonder sur d'autres illustrations des résistances, j'aurais pu. Il faut bien que je résiste à la tentation de continuer ce billet déjà trop long. Je sais que j'en ai déjà perdu en route qui n'ont pas résisté à l'ennui et à l'envie d'aller lire ailleurs ce qu'en écrivent d'autres croqueurs de mots.
J'ai toujours regretté de ne pas avoir étudié sérieusement les sciences, mais je n'ai jamais regretté ce que j'ai appris d'autre. Le temps d'un élève n'est pas extensible et je mesure ma chance, par rapport à mes soeurs ainées, d'avoir pu faire des études dites supérieures, en dépit de la force de résistance redoutable de l'atavisme familial.
Quand on considère l'espèce de domination que, de tout temps, les hommes ont tenté d'exercer sur les femmes ; la résistance qu'elles n'ont cessé d'y opposer ; le peu de moyens qu'ils ont de se garantir de leur influence, et la parfaite compensation établie entre leurs facultés et leurs devoirs, on finit par se convaincre que toute idée de supériorité d'un sexe sur l'autre est vaine et illusoire, et que cet instinct d'autorité, qui semble inhérent aux hommes, ne leur a pas été donné pour que nous fussions dominées par eux, mais, au contraire, pour qu'ils ne fussent pas dominés par le genre de pouvoir et de séduction qui est notre partage.
Pensée de la princesse Constance de Salm (autrement appelée Constance de Théis), probablement extrait de De la condition des femmes dans une république, 1800
Avec l'indication d'usage que les habitués connaissent par coeur et dont ils peuvent s'agacer. Mais c'est aussi cela transmettre : répéter pour ne pas laisser sur le bord de la route les nouveaux venus ...
Sur l'image du sujet de semaine 7 de miletune. A vous de décider* de la découvrir avant ou après la lecture de ce qu'elle m'a inspirée, au croisement d'autres évocations (images support)
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Les lecteurs qui sont habitués à mes jeux d'écriture savent sans doute que je fais souvent appel à mes souvenirs, récents ou plus lointains. L'image de la semaine me renvoie à l'été 1976. Je reviens de vacances par le train. Un moyen de transport que je n'utilise plus que rarement depuis que j'ai acheté ma première voiture d'occasion il y a déjà six ans.
Pour l'heure, je suis assise, un livre à la main, pour passer le temps. A mes côtés a pris place un jeune homme, cheveux un peu longs et petite barbiche en broussaille, jean et tea shirt passe partout. A-t-il vu mon regard en biais ? Il éprouve le besoin de se justifier. Se justifier de quoi ?
- j'apprends à tricoter. J'espère que cela ne vous choque pas.
- non, pourquoi dites-vous cela ?
- en général, ça surprend ... et j'ai quelquefois des railleries.
- Des railleries ?
- oui vous voyez bien de quel genre
Moi candide
- non je ne vois pas
- mais si vous voyez. Mais ça n'a rien à voir. L'envie de savoir tricoter ne me transforme pas en femme.
Je commençais à comprendre et je souris
- Ne vous inquiétez pas. Mon père aussi tricote. Il s'y est remis pendant les mois d'immobilisation quand il s'est cassé la jambe. J'ai alors découvert qu'il savait tricoter depuis plus de vingt ans. Il s'y était mis pour soulager ma mère qui ne pouvait plus tricoter à cause d'un rhumatisme articulaire.
- Ah bon ?
- Mais oui ! Il fallait bien faire la layette de la troisième qui venait de naître.
- Alors ça ne vous choque pas !
- Mais non. Pas plus qu'un homme qui sait coudre ou broder ou tisser. Pas plus qu'une femme qui sait planter des clous ou fabriquer des meubles ... ou changer une roue, ou qui a quelques notions de mécanique.
Tenez, en Autriche, pour avoir le permis de conduire, il y a une épreuve obligatoire de mécanique.
Nous avons continué ainsi à bavarder tandis qu'il avançait dans ses rangs de tricôt jusqu'à la station où il est descendu.
- Merci.
Ce fut son dernier mot. Mais j'aime à croire qu'il assumait davantage son goût pour la pratique du tricôt. En convaincre les autres n'en était pas plus évident.
Jeanne Fadosi pour le sujet de la semaine 7 de miletune
* Les mots lus ne sont jamais tout à fait les mêmes que les mots écrits, y compris quand ils sont relus par leur auteur. Les mots impulsés par une image échappent eux aussi, et c'est tant mieux, à un seul déterminisme bi-univoque. Mais il n'est pas gratuit de lire sans voir l'image, ou en l'ayant vu ou en la voyant. Quel que soit votre choix, découvrir l'image support avant ou après, vous ne pourrez remonter le temps pour comparer les expériences.
Je vais juste vous proposer une image que vous traiterez comme vous le souhaitez
Une inspiration ou pas, une prose ou des vers, une langue belle, ou une langue verte
Faites vous plaisir, faites-vous plaisir.
Vous utiliserez l’image dans son entier, ou des morceaux ou des couleurs…
L'image est une page de sélection du cahier de l'OBS. Intention graphique pour objets très chers et impossibles à utiliser dans la vraie vie.
Si le bonnet étam est à 12,90 euros, une minaudière Prada vaut 1500 euros.
Une minaudière ? je connaissais l'objet entrevu à la main des peoples dans des magazines ou aux cérémonies de remises de prix. Je découvre le nom. Pour quoi faire ? Minauder avec le diable ?
Je pensais que ces objets n'avaient que la fonction d'être montré sur papier glacé.
Pourtant ...
Elle a une silhouette menue de femme-enfant, un visage triangulaire entre chat et souris qui rappelle celui de Françoise Sagan, jeune, des cheveux blonds et aussi fins que sa peau est claire, un trois-quarts en fourrure de léopard ou de panthère, ou d'ocelot. vraie ou fausse fourrure je ne sais. Je ne vais pas lui poser la question. Aux pieds de ses jambes d'adolescente, une paire de converses dorées à semelle, parements et lacets blancs.
J'allais oublier un phone à housse genre mynnie mouse, ou kytie, je ne sais plus ... Elle avait des oreilles en peluche en tous cas et je crois qu'elle était rose gamine.
L'égérie d'une Une de magazine, en chair et en os. Les visiteurs de l'exposition sont rares en ces lendemains de tragédie. Nous goûtons amèrement le silence et l'espace laissé par les classes qui ont dû annuler leurs sorties.
Je ne savais pas que l'on pouvait, en vrai, s'habiller ainsi. Et pour personne puisque apparemment, elle est seule.
Barbarella ? espionne ? ultra-riche désoeuvrée ou créatrice de mode ?
Moi qui croyais que ces objets n'étaient fait que pour figurer dans les pages promotionnelles des journaux, du moins ceux qui vendent ainsi, sans trop y regarder, aux marchands du temple, le prix de leur autonomie éditoriale.
Je ne sais s'ils peuvent ainsi préserver leur liberté d'expression. Ne dit-on pas que le diable se cache dans les détails ?
Jeanne Fadosi, dimanche 8 février 2015, pour Croqueurs de mots.
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