~ Billet 156 ~
Sur les journaux de nos vies
Se lisent rires et douleurs
Paillettes, jeux et peurs
Rarement ce qu'est la vie
Jeanne Fadosi, 20 juillet 2009
Qui donc "ils" ?
L'un d'eux, vous le devinez peut-être, je vous en ai déjà parlé. Il exécrait les journalistes et leur taillait un costume peu avantageux dans son journal.
Mais oui, vous l'avez reconnu, c'est bien de Baudelaire dont je parlais avec un peu de colère en fête, avec le printemps de Prévert et en lisant la gazette de Baudelaire.
Voici d'autres extraits de son journal Mon coeur mis à nu sur le même sujet :
"Tout journal, de la première ligne à la dernière, n'est qu'un tissu d'horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d'atrocité universelle.
Et c'est de ce dégoûtant apéritif que l'homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l'homme."
Parmi les informations des jours récents, très tôt le matin, cette nouvelle d'une sanction légale d'un pays envers des femmes, au motif qu'elles auraient porté des tenues vestimentaires non autorisées, en l'occurrence des pantalons.
Parmi les informations des jours récents, en boucle à chaque bulletin d'information, le tollé contre une femme devenue people qui avait au temps de son engagement sincère pris à bras le corps le dossier des violences conjugales.
Les projecteurs de la comédie du monde transforment et déforment mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas savoir de quoi elle parle.
Parce que les trompettes de la renommée aiment le parfum du scandale, un rapeur a un jour commis un texte sulfureux (dit-on, je ne l'ai pas entendu personnellement) sur les violences faites aux femmes.
C'est la loi du genre, un genre de roman de gare mélo à souhait ou tragi-comique, et ce n'est pas drôle car c'est la vraie vie, les politiciens en quête d'audience font leur miel des misères humaines, pour leur pub, la tragédie humaine plus que la comédie, ils s'en moquent un peu, beaucoup, passionnément. L'essentiel, même sur fond de polémique, c'est qu'on parle d'eux.
Oui, quelquefois il convient de sortir du silence.
Il faut pourtant le faire avec la plus grande prudence car la parole même vraie est toujours récupérée pour de mauvaises intentions aussi bien pour banaliser ces violences, voire les encourager que pour les condamner sans comprendre.
Parmi les informations des jours derniers, le verdict du procès d'assises d'un bourreau et de ses acolytes.
Les débordements des avocats, la dignité des parents de la victime, l'outrance encore de la récupération politicienne.
La barbarie est ignoble, intolérable, à bannir ... aurait-elle été moins barbare si le crime n'était pas raciste ?
Et l'humain égaré sur le chemin de l'horreur est-il définitivement perdu ou le droit à un avenir fait-il alors encore sens ?
Parmi les informations de ces derniers jours, l'apitoiement du sort de la compagne d'un chef de gang mexicain de rapteurs crapuleux ...
Clivage des raisonnements ou déraison des clivages émotionnels ?
Parmi les informations des jours récents, la menace de faire tout sauter des ouvriers d'une usine de sous-traitance.
La violence qui est en jeu ici n'est ni commentée ni condamnée.
Ni celle faite aux ouvriers chassés de leur usine condamnée sans procès à la fermeture, ni celle de cette menace du désespoir, certes, mais tout aussi inadmissible et imbécile.
J'ai su très tôt, grâce à Jacques Brel et Georges Brassens qu'il ne fallait pas trop compter sur la sagesse des humains et que la lutte pour le vivre ensemble était une histoire sans fin ...
" Ca va,
un jour le diable vint sur terre pour surveiller ses intérets
Il a tout vu le diable il a tout entendu
Et après avoir tout vu, et après avoir tout entendu,
Il est retourné chez lui là-bas
Et chez lui on avait fait un grand banquet
A la fin du banquet, il s'est levé le diable
Il a prononcé un discours
il a dit
Ca va,
il y a toujours un peu partout des feux illuminant la terre
Ca va
les hommes s'amusent comme des fous au dangereux jeu de la guerre
Ca va
Ca fait des morts originales
Ca fait des morts sans confession
des confessions sans rémissions
Ca va
....
Ca va, ça va, ça va, ça va ... "
bien sûr, j'ai fait des fautes, ma mémoire est fugace, mais petite fille, je connaissais cette chanson par coeur et la chantais devant n'importe qui. Tout le monde n'appréciait pas.
A l'heure où je peaufine ce billet pour le programmer, la nouvelle de l'assassinat d'une femme courageuse tombe de ma radio comme une larme de sang.
Elle rejoint au paradis des causes celées une grande journaliste aux antipodes de ce que dénonçait Baudelaire.
Aurait-il eu la dent moins dure, connaissant par quelque alchimie de l'espace-temps, les reportages sans concessions de l'une, les actions et les rapports obstinés de l'autre ?
Baudelaire ... c'est entendu, mais quels autres ?