~ Billet 183 ~
Quelle jolie promenade que celle des lavoirs de la communauté de Dana pour le thème de la semaine.
Et comme mon automate préféré, mais un peu snob, se proposait pour la photo, je lui ai dit que les reines de Beauté étaient chez Lajemie, Perfecta, Cosette ... et je l'ai mis à la tâche avec un tambour plein de linge délicat programmé à 30°. Durée chrono 41 minutes !
Qui voudrait sans contrainte retourner au temps des corvées de lessive, même si elles étaient l'occasion de bien belles réunions de papotages et commérages.
Je me souviens de la rivière et du lavoir plein de commères dans le village de mes vacances d'enfant.
Je les ai vues encore à l'ouvrage dans les années cinquante. Je ne sais par quel petit miracle on m'y avait admis à passer le linge d'une telle ou le savon d'une autre. Les enfants n'y étaient pas admis habituellement.
Pour d'évidentes raisons de sécurité, la rivière, à l'approche du bief y était profonde et froide même en été.
Par crainte de voir le linge lavé maculé de la poussière soulevée par les galopades aussi.
Mais surtout, pour ne pas effrayer nos oreilles d'enfants.
Mes souvenirs sont flous, mais j'en ai quelques impressions. Les nouvelles s'échangeaient. Tout du bourg et des alentours se savait et se disait, se suggérait plutôt.
N'allez pas penser que les intentions étaient malveillantes. Le lavoir était en principe terrain neutre. La parole circulait, mais avec retenue. On plaignait l'infortune d'une telle, on saluait la dignité d'une autre ou de la même plutôt que de s'attarder aux turpitudes d'un époux volage. On prenait des nouvelles des enfants, de ceux qui étaient partis à la ville ...
Déjà, chez les notables, la buanderie se complétait du grand bac en béton avec le brûleur et la lessiveuse et la motopompe y conduisait l'eau quelquefois. Les plus modernes, pas forcément les plus fortunés, commençaient à s'équiper en machines à laver.
La construction du château d'eau a accéléré la modernisation des laveries mais jusqu'au début des années soixante, deux ou trois femmes puis une seule ont continué à descendre à la rivière avec leur brouette chargée, de plus en plus voutée, de plus en plus ridée.
Le temps et le délaissement ont vite dégradé la fragile construction de bois.
Je me souviens alors des mille recommandations aux nouvelles générations d'enfants pour qu'ils n'aillent pas s'aventurer sur les planches pourries qui s'inclinaient et s'enfoncaient dangereusement dans l'eau.
Les élargissements successifs de la route et du pont ont finalement eu raison de cette survivance d'un passé si récent.
D'autres villages les ont mieux préservé ou les restaurent pour le plaisir des yeux et le repos des promeneurs.
C'est vrai qu'ils sont beaux, ces lavoirs, souvent mis en valeur, rarement transformés en pots de fleurs.
Comment ne pas profiter de ce billet pour mettre à l'honneur un des tabeaux peints par ma soeur Jackie, celle qui brode aussi des jolis papillons bleus et des roses.
Voici le lavoir de Bourg le Roi (dans la Sarthe), huile sur toile de Jackie Lottin
et deux clichés du lavoir pris par son mari. C'est une troisième photo qui a servi de support pour faire le tableau.
Bourg le Roi est une bourgade de la Sarthe fière à juste titre de sa tradition du point de Beauvais. Mais ceci est une autre histoire.