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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 08:00

~ Billet 416 ~

 

Fanfare-pour-Pascale.jpg Sachez que ce n'est pas facile,

Une aiguille à tricoter

Comme pagaie pour ramer.

J'en perds quelque peu le fil

 

Qui nous maintient encore au port

De l'anneau le long du quai

Où nos mots furent croqués

Par Cap'tain Brunô, mille sabords !

 

Avec l'aide de ses complices,

N'y voyez point de malice,

Il dirige la fanfare,

 

Sans canards, et sans tintamarre,

Fêtant la Croisière Heureuse

De l'Amirale tricotineuse !

         Jeanne Fadosi, pour jeudi 29 avril 2010

 

Et à la fin de la fanfare ...,

      ... Larguons les amarres !

 

Post scriptum : j'avais déjà programmé ce billet, sur les consignes de ... et de, ... avant de prendre connaissance des dernières consignes de notre Amirale Tricotineuse, nous suggérant de dédier la poésie du jeudi au bonheur, à l'approche du 1er mai. La croisière heureuse avait déjà pris nom dans le sonnet, alors elle devient majuscule.

 

Destination ... Les îles du bonheur ? Le continent du bonheur ? La planète du bonheur ? ... 

  tricroquine.JPG

 

Bien sûr, dans les archives familiales, ce navire ne porte pas tout à fait ce nom-là. Mais je ne crains guère de chiffonner un aieul, après tout, il est admis de rebaptiser un bateau.

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 10:05

~ Billet 408 ~

 

Pour prolonger notre jeudi en poésie un peu spécial, d'Albert Samain, Matin sur le port.

 

Albert Samain sur le port

Le soleil, par degrés, de la brume émergeant,

Dans la vieille tour et le haut des mâtures,

Et jetant son filet sur les vauges obscures,

fait scintiller la mer dans ses vagues d'argent.

 

Voici surgir, touchés par un rayon lointain,

Des portiques de marbre et des architectures ;

Et le vent épicé fait rêver d'aventures

Dans la clarté limpide et fine du matin.

 

L'étendard déployé sur l'arsenal palpite ;

Et de petits enfants, qu'un jeu frivole excite,

Font sonner en courant les anneaux du vieux mur,

 

Pendant qu'un beau vaisseau, peint de pourpre et d'azur,

Bondissant et léger sur l'écume sonore,

S'en va, tout frémissant de voiles, dans l'aurore.

 

  Albert Samain, 1858-1900

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 10:00

~ Billet 407 ~

 

 un jeudi en poésie très spécial aujourd'hui pour notre valeureux capitaine, Brunô ....

 

gironde vue du BacPascaleneon

 

Lanceur de défis sans boussole

Des grimaces aux petites phrases,

Tu avais longtemps gardé ta frêle gondole

Ne voulant pas qu'une nouvelle phase

transforme en communauté guindée

Ta joyeuse escorte bien peu disciplinée.

Et quand tu as passé le pas

Sans maux de tête car nous n'en voulions pas,

Tu as résolu de tenir le cap

avec mots de tête et rires sur cape.

Car ici, sur ce beau radeau

C'est la prime consigne : on s'amuse

Sans fard, sans coup mesquin dans le dos.

Ce vaisseau n'est pas le radeau de la méduse

Ici c'est "Les copains d'abord"

Et même les copains d'accord.

Mais  le voyage en haute mer

N'a de sens que pour un rivage

Et c'est  vers d'autres paysages

Que notre marin met pied à terre.

Troquer la barre contre un vélo,

Le sextant contre un beau stylo,

La longue vue contre un pinceau,

Brunô tu descends du vaisseau

En nous laissant dans l'entre-pont

Un peu sonnés par le bourdon.

Il faut un autre capitaine

Pour atteindre d'autres escales.

Elle a tricoté des mitaines

Pour farfouiller  les trésors de la malle

Et prête à se mettre à la barre,

Nous voilà déjà au départ,

De nouvelles destinations.

Que viennent les suggestions

Sous le néon ou les flonflons ;

Grand merci Brunô, Capitaine,

Randonne bien dans tes montagnes.

Sur le pont ton mât de Cocagne

Fait fête au nouveau capitaine

Nous prenons le large sereins,

Sûrs de te croiser dès demain.

                        Jeanne Fadosi, pour le jeudi 22 Avril 2010, midi

 

les joyeux drilles des Croqueurs de mots,

disciplinés juste pour une bonne cause

et moins que jamais guindés.

Pour le premier défi lancé par Pascale la Tricotineuse,

notre nouvelle barreuse.

 

Quant à toi qui reste à quai, Je te vois sourire aux lèvres et perles aux yeux, suivre ton "beau vaisseau" qui 

"s'en va, tout frémissant de voiles, dans l'aurore."

Pardon à Albert Samain pour cet emprunt. Je lui restitue tout le sonnet dans le billet suivant, Matin sur le port.  

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 05:00

 ~ Billet 402 ~

 

Pour le jeudi en poésie des Croqueurs de mots de Brunô, et pour faire suite à Mémé Gudule pour le prénom du mercredi, je reprend l'effeuillage de mon antholgie personnelle d'adolescente en publiant un poème d'un autre adolescent qui avait été publié dans une revue de poésie.

 

                     Grand-Père par Claude Bellendy, 13 ans (autour de 1965)

 

poesiegrandpere

Ah qu'il est bon d'être avec lui,

De sentir sa main sur nos cheveux,

Cette main rugueuse

Où la corne a poussé

Comme l'herbe en un champ de blé.

De grandes rides sillonnent son front,

Si profondes

Qu'on dirait qu'une charrue

A labouré ce champ.

Ses grands yeux bleus regardent l'infini

Comme un long rêve

Dont on ne peut apercevoir le fond

Et qui, caché par un nuage,

Semble doucement se voiler.

 

   

 

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8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 05:30

~ Billet 399 ~

 

Pour le Jeudi en poésie des Croqueurs de mots, après la fête à Aristide à la Récréa du mercredi, je pouvais difficilement éviter de mettre en ligne l'une des célèbres chansons connues grâce à Aristide Bruant et qui par bien des côtés est toujours d'actualité.

 

Les canuts

Pour chanter Veni Creator

Il faut une chasuble d'or.

Pour chanter Veni Creator

Il faut une chasuble d'or.

Nous en tissons

Pour vous grands de l'Église,

Et nous pauvres canuts

N'avons pas de chemise.

 

C'est nous les canuts,

Nous allons tout nus.

C'est nous les canuts,

Nous allons tout nus.

 

Pour gouverner il faut avoir

manteaux ou rubans en sautoir.

Nous en tissons

Pour vous grands de la Terre.

 Et nous pauvres canuts

Sans draps on nous enterre.

 

C'est nous les canuts,

Nous allons tout nus.

C'est nous les canuts,

Nous allons tout nus.

 

Mais notre règne arrivera

Quand votre règne finira.

Nous tisserons

Le linceul du vieux monde,

Car on entend déjà

La révolte qui gronde.

 

C'est nous les canuts,

Nous allons tout nus.

C'est nous les canuts,

Nous n'iront plus nus.

 Aristide Bruant, 1894, publié dans le recueil Sur la route, 1899

 

voir aussi l'article canuts, wikipedia

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 06:00

~ Billet 393 ~

 

Pour le Jeudi en poésie des Croqueurs de mots*, la communauté qui suit le petit vélo des suggestions de Brunô, et pour faire suite comme j'en ai pris l'habitude, au prénom du mercredi, je n'irai pas interroger mon recueil d'adolescente. Cette fois-ci, je vous emmène feuilleter un recueil de textes de Buffon** réunis à la mi-temps du XIXè siècle pour une collection privée des libraires éditeurs qui en sont à l'initiative.

 

De la prose en poésie ? Il est une poésie, un rythme, une musique, une saveur de la langue qui se joue des rimes, des iambes et de tous les codes ...

 

De la poésie en science ? Qui n'a pas lu Patience dans l'azur de Hubert Reeves manque un magnifique moment de poésie rigoureusement scientifique. La rigueur scientifique des écrits de Buffon peuvent certes être contestés à l'aune de nos connaissances actuelles. Mais quoi qu'il en soit, la belle langue rend accessible les concepts les plus difficiles et nos écrivants des sciences modernes feraient bien quelquefois de s'en souvenir.

 

* Il parait qu'un blogueur a créé une communauté au même nom en variant sur les majuscules ... histoire à suivre

 

** Comte de Buffon, 1707-1788

 

 

 "La chèvre 

Buffondos1

 "[...] La chèvre a de sa nature plus de sentiment et de ressource que la brebis ; elle vient à l'homme volontiers, elle se familiarise aisément, elle est sensible aux caresses et capable d'attachement ; elle est aussi plus forte, plus légère, plus agile et moins timide que la brebis ; elle est vive, capricieuse et vagabonde. Ce n'est qu'avec peine qu'on la conduit et qu'on peut la conduire en troupeau : elle aime à s'écarter dans les solitudes, à grimper sur les lieux escarpés, à se placer, et même à dormir sur la pointe des rochers et sur le bord des précipices ; elle est robuste, aisée à nourrir ; presque toutes les herbes lui sont bonnes, et il y en a peu qui l'inccommodent. Le tempérament, qui dans tous les animaux influe beaucoup sur le naturel, ne paraît cependant pas dans la chèvre différer essentiellement de celui de la brebis. Ces deux espèces d'animaux, dont l'organisation intérieure est presque entièrement semblable, se nourrissent, croissent et multiplient de la même manière, et se ressemblent encore par le caractère des maladies, qui sont les mêmes, à l'exception de quelques unes auxquelles la chèvre n'est pas sujette ; elle ne craint pas, comme la brebis, la trop grande chaleur ; elle dort au soleil, et s'expose volontiers à ses rayons les plus vifs, sans en être incommodée, et sans que cette ardeur lui cause ni étourdissements, ni vertiges ; elle ne s'effraie point des orages, ne s'impatiente pas à la pluie ; mais elle paraît être sensible à la rigueur du froid. Les mouvements extérieurs, lesquels, comme nous l'avons dit, dépendent beaucoup moins de la conformation du corps que de la force et de la variété des sensations relatives à l'appétit et au désir, sont par cette raison beaucoup moins mesurés, beaucoup plus vifs dans la chèvre que dans la brebis. L'inconstance de son naturel se marque par l'irrégularité de ses actions ; elle marche, elle s'arrête, elle court, elle bondit, elle saute, s'approche, s'éloigne, se montre, se cache, ou fuit, comme par caprice, et sans autre cause déterminante que la vivacité bizarre de son sentiment intérieur ; et toute la souplesse des organes, tout le nerf du corps, suffisent à peine à la pétulance et à la rapidité de ses mouvements, qui lui sont naturels."

 

Extrait de

Oeuvres choisies de Buffon*

précédées d'une notice sur sa vie et ses ouvrages

par D. Saugié

Ad MAME et Cie, Imprimeurs-libraires, 1847, pages 83 et 84

 

 

 

 

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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 06:00
~ Billet 389 ~

Pour le Jeudi en poésie de Brunô chez les Croqueurs de mots, je continue à effeuiller le florilège constitué à l'adolescence et, tant que c'est possible à le relier au prénom du mercredi.

Vignyaigle-des-asturies.jpgAlfred de Vigny, l'Aigle des Asturies

Sur la neige des monts, couronne des hameaux,
l'Espagnol a blessé l'aigle des Asturies,
Dont le vol menaçait ses blanches bergeries ;
Hérissé, l'oiseau part et fait pleuvoir le sang,
Monte aussi vite au ciel que l'éclair en descend,
Regarde son soleil, d'un bec ouvert l'aspire,
Croit reprendre la vie au flamboyant empire ;
Dans un fluide d'or il nage puissamment,
Et parmi les rayons se balance un moment.
Mais l'homme l'a frappé d'une atteinte trop sûre ;
Il sent le plomb chasseur fondre dans sa blessure ;
Son aile se dépouille, et son royal manteau
Vole comme un duvet qu'arrache le couteau.
Dépossédé des airs, son poids le précipite ;
Dans la neige du mont il s'enfonce et palpite,
Et la glace terrestre a d'un pesant sommeil
Fermé cet oeil puissant respecté du soleil.

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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 07:00

~ Billet 385 ~

Pour le jeudi en poésie des Croqueurs de mots et pour ceux qui ne savent où dormir, pour ne pas les oublier jusqu'aux grands froids de l'hiver prochain ...
Et bien sûr; pour ne pas les oublier trop vite en de vaines promesses, pour ceux qui ont perdu leur toit au bord de l'Océan.

VHlespauvresgens.jpg

Victor Hugo, Les pauvres gens

 

Il est nuit. La cabane est pauvre mais bien close.

Le logis est plein d’ombres et l’on sent quelque chose

Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.

Des filets de pêcheurs sont accrochés aux murs.

Au fond, dans l’encoignure où quelque humble vaisselle

Aux planches d’un bahut vaguement étincelle,

On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.

Tout près un matelas s’étend sur de vieux bancs,

Et cinq petits enfants, nids d’âmes y sommeillent.

La haute cheminée où quelques flammes veillent

Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,

Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.

C’est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d’écume,

Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,

Le sinistre océan jette son noir sanglot.

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 06:01
~ Billet 380~

Pour Croqueurs de mots, sous la houlette de Brunô, le jeudi en poésie sous le signe Couleur femme.
Le billet précédent est plus bavard sur le sujet.

De Louise Labé,
louiselabeportrait                                            (Plaisir de lire XVIe siècle, page 108)

              Tant que mes yeux pourront larmes épandre ...
             
              Tant que mes yeux pourront larmes épandre
              A l'heur passé avec toi regretter, (1)
              Et qu'aux sanglots et soupirs résister
              Pourra ma voix, et un peu faire entendre, (2)

              Tant que ma main pourra les cordes tendre
              Du mignard  luth, pour tes grâces chanter, (3)
              Tant que l'esprit se voudra contenter (4)
              De ne vouloir rien fors que toi comprendre, (5) (6)

             Je ne souhaite encore point mourir.
              Mais quand mes yeux je sentirai tarir,
              Ma voix cassée, et ma main impuissante,

              Et mon esprit en ce mortel séjour
              Ne pouvant plus montrer signe d'amante,
              Prierai la Mort noircir mon plus clair jour.



(1) à regretter le bonheur passé avec toi
(2) et faire entendre quelque son
(3) gracieux, délicat : mignard n'a pas encore le sens péjoratif de mièvre, affecté, qu'il aura plus tard.
(4) tant que mon esprit ...
(5) rien d'autre que toi
(6) comprendre est à prendre dans son sens intellectuel mais aussi dans son sens littéral de prendre avec, accueillir en soi.

Le buste de Louise Labé vient de celuic-i conservé par la Bibliothèque Nationale.
Louise LabeBN
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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 06:00

~ Billet 379 ~

Une fois n'est pas coutume, l'actualité du mois du crieur m'incite à épancher mes pensées vagabondes sur le sujet de la poésie et de la femme.
Pour les lecteurs pressés qui voudraient n'avoir à lire que le poème que je propose, vous le trouverez au billet suivant, Les larmes de Louise Labé ...

Brunô a l'excellente idée pour le jeudi en poésie de nous convier aux fêtes ambiantes du printemps des poètes couleur femme, pour la communauté Croqueurs de mots.

Je ne l'avais pas attendu dans ce choix et me voilà prête à programmer Anna de Noailles quand l'idée saugrenue me vint de vérifier qu'elles étaient les femmes poètes que nos maîtres à penser mettaient à notre disposition d'élèves dans leurs collections de textes commentés.

J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer la collection par siècles des Lagarde et Michard (pas d'irrévérence dans cette expression : c'est comme cela qu'on désignait ces manuels).
André Lagarde et Laurent Michard ont constitué ces recueils annotés, commentés et assortis de questions à partir de 1948.
Parallèment et sûrement pour concurrencer cette hégémonie, une autre collection est proposée dans les années 1960sous la direction de Jean Guéhénno*, sous le titre attractif de "Plaisir de lire", sans connaître le succès des Lagarde, alors qu'il venait de terminer sa carrière comme Inspecteur général (1945 - 1961) et qu'il allait entrer à l'Académie Française en 1962.

Inutile de vous dire que dans aucune de ces collections, je n'y ai trouvé beaucoup de poétesses. Certes, leurs oeuvres ont été beaucoup moins publiées que celles des hommes, peut-être même qu'avec une règle de quotas, il y en aurait eu encore moins dans ces ouvrages.

* voir aussi l'article très intéressant des amis de Géhenno.

Dans le tome du XVIème siècle, j'y ai trouvé mentionné Louise Labé et Marguerite de Navarre, ainsi que deux poèmes de Louise Labé et un texte en prose de Marguerite de Navarre.
. . . Dans le Lagarde et Michard du même siècle . . .  aucune  . . .

C'est l'introduction à Louise Labé qui m'a décidé à en publier un poème.

Sensible à la nécessité de lutter contre les stéréotypes du masculin et du féminin transmis aussi dans les manuels scolaires ("papa lit et maman coud "...), une lecture rapide de cette introduction pourrait faire croire que ce discours est toujours là. Certes, les auteurs partent de ce schéma de pensée telle qu'elle est dite, mais c'est pour la contredire, à l'aide des mêmes codes. C'était un bon début, je crains que l'on ne se soit arrêté en chemin.

plaisirdelireXVIe" [...] S'il est une oeuvre où le bouillonnement du coeur et des sens est contrôlé et magnifié dans et par l'expression, où le cri s'organise en chant, c'est bien celle de Louise Labé. Le vers est ferme et plein, les articulations du poème franches et vigoureuses, le sonnet mené de l'attaque à son terme avec une autorité que l'on aurait presque envie de qualifier de virile (1). Ceux qui auraient tendance à considérer que poésie féminine signifie relâchement et mollesse feraient bien de penser aux poèmes de Louise Labé. Et sans doute leur prix vient-il de ce qu'avec eux il nous est permis de rencontrer tant de frémissement dans tant de fermeté.[...]"
Extrait de la présentation de Louise Labé, Plaisir de lire XVIe siècle, Armand Colin, 1965, page 108
H. Bellaunay, G. Hyvernaud, J. Masson, J. Netzer, collection littéraire sous la direction de Jean Géhenno.

(1) souligné par l'auteur du blog



               De Louise Labé,

              Tant que mes yeux pourront larmes espandre ...
             
              Tant que mes yeux pourront larmes espandre
              A l'heur passé avec toy regretter, (1)
              Et qu'auls sanglots et soupirs résister
              Pourra ma voix, et un peu faire entendre, (2)

              Tant que ma main pourra les cordes tendre
              Du mignard  luth, pour tes grâces chanter, (3)
              Tant que l'esprit se voudra contenter (4)
              De ne vouloir rien fors que toy comprendre, (5) (6)

             Je ne souhaite encore point mourir.
              Mais quand mes yeux je sentiray tarir,
              Ma voix cassée, et ma main impuissante,

              Et mon esprit en ce mortel séjour
              Ne pouvant plus montrer signe d'amante,
              Prierai la Mort noircir mon plus cler jour.


(1) à regretter le bonheur passé avec toi
(2) et faire entendre quelque son
(3) gracieux, délicat : mignard n'a pas encore le sens péjoratif de mièvre, affecté, qu'il aura plus tard.
(4) tant que mon esprit ...
(5) rien d'autre que toi
(6) comprendre est à prendre dans son sens intellectuel mais aussi dans son sens littéral de prendre avec, accueillir en soi.

note de l'auteur du blog : j'ai préféré restitué une des orthographes du poème et non celle modernisée de Plaisir de lire. La lecture ne m'en semble pas plus difficile et vous remarquerez qu'à l'époque, l'orthographe était loin d'être fixée. On pourrait en dire autant de la ponctuation.

Vous ferai-je grâce des questions qui accompagnaient ce poème ?
La première question porte sur la construction du sonnet, la deuxième est double :
"Quel est le thème du sonnet ? En quoi est-il émouvant et beau ?" mettant à égalité émotion et appréciation esthétique, sensible et intellect.
La troisième question soulève la question de l'auteur :
"A quoi devons-nous plus particulièrement l'impression que c'est une femme qui parle ?"
J'ai personnellement la clé à l'avant dernier vers, mais c'est sans compter sur le fait qu'au vingtième siècle, seules les femmes peuvent pleurer et même sangloter. C'est oublier un peu vite la place des pleurs dans l'Histoire de ces siècles plus anciens.
La quatrième question suggère que le mot luth a un double sens. Il sera intéressant de se rappeler que dans les années 1950 et 1960, moins de la moitié des garçons accédaient à la classe de seconde et bien moins encore parmi les filles !
La cinquième et dernière question interroge sur ce qui fait la beauté du dernier vers, même si la présentation a déjà évoqué la "mode" du "pétrarquisme" avec son "jeu des oppositions et des antithèses", ce qui oriente singulièrement l'analyse demandée.

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